Le 17 mai 1997, l’AFDL de Laurent-Désiré Kabila prenait le pouvoir à Kinshasa

Laurent Désiré Kabila, ancien président de la RDC assassiné en 2001

Dix-neuf ans sont passés depuis que l’Alliance des Forces démocratiques pour la libération du Congo (AFDL) prenait le pouvoir à Kinshasa. Laurent-Désiré Kabila qui en était le porte-parole prenait les rênes du pouvoir depuis Lubumbashi, ville qui était tombée entre les mains de la rébellion plusieurs mois plus tôt.  Le 17 mai 1997, les soldats de l’AFDL entraient triomphalement dans la capitale du Zaïre qui sera rapidement rebaptisée République démocratique du Congo.

 
L’entrée de l’AFDL à Kinshasa mettait fin à 32 ans d’un régime dictatorial. Les soldats de l’Alliance sont entrés à Kinshasa à pied dans sa partie Est. L’affrontement tant redouté dans la capitale entre les rebelles et les forces loyales à l’ancien régime n’eut pas lieu. Samedi 17 mai 1997 au matin, les habitants des communes de Masina et Kimbanseke s’étaient massés le long du Boulevard pour voir de plus près ces petits soldats chaussés des bottes en caoutchouc qui avaient réussi à chasser du pouvoir le président Mobutu.
 
Le journaliste Rombaut Kasongo a vu ce jour-là les Kadogo [surnom donné aux soldats de l’AFDL qui comptaient des mineurs dans ses rangs] accueillis en triomphe par les Kinois.
 
«Comme je ne suis pas loin du Boulevard Lumumba au niveau du quartier Sans Fil, je suis allé sur le boulevard et nous avons vu les premiers éléments en colonnes. Certains avaient des armes sur les épaules, d’autres avaient des caisses des munitions sur la tête, des sacs, ….. Les gens criaient, chantaient en leur honneur, donnaient de l’argent aux rebelles, des pains,… d’autres personnes les aspergeaient de l’eau ou de la poudre pour dire qu’ils les accueillaient à bras ouverts et qu’ils étaient contents qu’ils aient pris la ville de Kinshasa. Nous sommes descendus par curiosité pour voir ces gens qui ont renversé Mobutu en un temps si court. A l’époque, on se demandait comment on pouvait se débarrasser de Mobutu et son système dictatorial, qui nous a dirigés pendant 32 ans», se rappelle-t-il.
 
Son témoignage est à écouter ici :

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Dix-neuf ans après la chute du Maréchal Mobutu, Raphaël Ghenda, ancien porte-parole du comité exécutif de l’AFDL, ministre de l’information, presse, culture et art et secrétaire général du comité de pouvoir populaire, structures de gestion de la communauté à la base, se souvient des idéaux de ce mouvement révolutionnaire.
 
«L’objectif de ce mouvement révolutionnaire était de retrouver l’indépendance politique, économique, retrouver le nom original du pays, son drapeau, son hymne. Nous voulions aussi installer un programme de démocratisation et de développement qui devrait impliquer des populations, instaurer l’auto prise en charge, bâtir un état du peuple, organiser des entités administratives de base et parvenir à une autosuffisance alimentaire et occuper la jeunesse à travers des programmes comme le service national. Nous avions aussi  voulu mener une campagne d’éveil patriotique, éveiller au Congolais son sens de responsabilité sociale», révèle Raphaël Ghenda.
 
D’après lui, cette vision a été perturbée par la guerre d’agression et l’assassinat de Laurent-Désiré Kabila.
 
«Après la révolution, il y a eu  une guerre d’agression concoctée par les étrangers. On était obligé d’aller à Sun City. En sortant de Sun City, il y a eu une nouvelle donne, une nouvelle dynamique qui est née de là. Notre vision politique ne pouvait plus être appliquée comme nous l’avons voulu ; il fallait faire des concessions énormes. Et cela a donné un coup à la vision politique que nous avons voulu installer, c’est-à-dire la philosophie politique d’auto prise en charge. Nous n’avons pas pu encadrer et occuper notre jeunesse, changer la mentalité des Congolais parce que les antivaleurs que nous avons combattues quand nous sommes arrivés, sont revenues de la plus belle manière », observe-t-il.
Vous pouvez écouter Raphael Ghenda ici :

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Le goût d’inachevé
 
Augustin Kikukama, membre du parti politique Mouvement du 17 mai ( M17), et l’un des «compagnons de la révolution» déplorait récemment le retour des dévoiements décriés sous la présidence de Mobutu.
 
«La RDC a de nouveau sombré dans les antivaleurs. J’invite les Congolais à se réorganiser pour sauvegarder les acquis de la démocratie obtenus lors de cette journée du 17 mai. Après la mort de M’zee (LD Kabila), il y a eu ce retour des antivaleurs que nous avons combattues sous Mobutu notamment la corruption, les détournements des deniers publics, la misère de la population… L’espoir que suscitait la révolution du 17 mai s’est éteint», regrette-t-il.

A lire: Augustin Kikukama: «L’espoir que suscitait la révolution du 17 mai s’est éteint»

Modérateur de la plateforme Dynamique de l’opposition, Fabrice Puela, estime également que les valeurs défendues par Laurent Désiré Kabila ont disparu. Il dénonce notamment la corruption devenue « un sport national ».
 
« Avec Mzee, il y avait la fin de l’impunité, la fin de la recréation. On a vu Mzee sanctionner l’un de ses ministres. Mais aujourd’hui, la corruption est devenue un sort national. Toutes les valeurs que Mzee a défendues ont disparu », déplore l’opposant.  
 
Fabrice Puela s’interroge également sur ce qui a été fait des projets lancés par l’ancien président.
 
« Mzee est venu révolutionner le travail avec le service national. Mais qu’est-ce qu’on en a fait ? », se demande-t-il.

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Tunda Ya Kasende, secrétaire général adjoint du parti présidentiel le PPRD, ne fait pas le même constat.
Selon lui, le régime de Joseph Kabila défend toutes « les valeurs fondamentales humaines ».
Tunda Ya Kasende estime notamment que l’on ne peut pas reprocher à l’actuel régime de ne pas défendre la démocratie.
« On ne peut pas dire que ce régime a détruit la démocratie au moment où l’actuel président a été élu à deux reprises à la suite d’un consensus qui est venu de Sun City. Je crois que toutes les valeurs qui tendent à défendre la dignité du peuple congolais sont défendues par le régime de Joseph Kabila », affirme le secrétaire général adjoint du PPRD.
 
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