Minerais de sang en RDC: Washington met la pression sur 1000 sociétés américaines

Des camions chargés des minerais bloqués sur la route de Kolwezi dans la province du Katanga/RDC, 11/03/2011.

La Securities and exchange commission (Sec) au Département d’Etat américain a publié, mercredi 22 août, une règle exigeant aux entreprises américaines qui utilisent le tungstène, le tantale, l’or et l’étain pour fabriquer leurs divers produits d’assurer et de rendre public l’origine de ces minerais. Il s’agit d’une décision qui met en application la disposition 1502 de la loi Dodd franck sur les minerais de sang.

Plus de mille entreprises américaines spécialisées dans la fabrication des téléphones portables, ordinateur, dans la joaillerie, dans l’aviation et bien d’autres, sont concernées par cette décision.

Le conseiller économique de l’ambassade des Etats-Unis en RDC, Kevan Higgins, a expliqué que la loi Dodd franck a chargé la Sec d’assurer sa mise en application. Il a reconnu que cette décision pourrait rendre ces entreprises moins compétitives sur le marché.

Il l’a déclaré dans l’entretien, ci-dessous, qu’il a eu, lundi 27 août à Goma, avec Jules Ngala Wamona:

Jules Ngala: et quelle été la réaction de la chambre de commerce par rapport à cette décision ?

Kevan Higgens: la chambre de commerce américaine a réagi un peu contre cette loi. Elle a dit que cette décision est un fardeau pour les sociétés américaines, parce que cette décision impose beaucoup d’obligations aux sociétés pour qu’elles puissent vérifier leurs chaines d’approvisionnement.

JN: vérifier l’origine de ces minerais occasionne un coût supplémentaire pour ces sociétés. Est-ce que ce ne risque pas de rendre ces entreprises moins compétitives sur le marché ?

KH: c’est possible. C’est qu’il y aura des coûts supplémentaires pour vérifier l’origine des minerais dans les chaines d’approvisionnement. Mais, il faut aussi noter que le coltan, le tantale, la cassitérite, le wolfranite et l’or sont en vente sur le marché mondial. Et le prix est global. Il y aura des coûts supplémentaires pour vérifier la traçabilité de ces mimerais. C’est probable que les pays producteurs vont aussi absorber une partie de ces coûts.

JN: vu la situation de guerre qui prévaut dans l’Est de la RDC, est-ce une telle traçabilité est possible ?

KH: ça c’est une bonne question !  En fait, en RDC, il y a déjà des exportations légales des minerais hors conflits. Par exemple, au Katanga, il y a des chaines sécurisées qui exportent la cassitérite, je cois le coltan aussi, vers les compagnies américaines.

Ce n’est pas seulement le Katanga. Nous attendons la relance prochaine de la production de la cassitérite au Maniema. C’est une initiative qui a été géré totalement par le gouvernement de la RDC.

JN: et pour ce qui est du Nord et Sud-Kivu ?

KH: par rapport au Nord et Sud-Kivu, évidemment c’est un plus difficile ; étant donné que beaucoup de mines sont maintenant sous le contrôle des groupes armés.

Mais ça ne veut pas dire que c’est impossible. Le gouvernement de la RDC, à travers le ministère des Mines, le projet Promines et les ministères provinciaux de mines, a des stratégies et travaille en collaboration avec la communauté internationale pour trouver des solutions. Nous avons l’espoir qu’un projet pilote va commencer au Sud-Kivu avant la fin de l’année.

JN: pour la Nord-Kivu, ce n’est pas encore envisagé…

KH: pas encore. Mais, il y a des groupes de suivi du secteur minier au Nord-Kivu. Ils ont aussi une stratégie et un chronogramme pour certifier des mines dans le Masisi et, si possible, à Walikale. Mais, la sécurité reste toujours difficile là-bas.

JN: est-ce que cette disposition n’a pas pour but de décourager les opérateurs économiques nationaux et désintéresser les entreprises américaines de l’exploitation minière en RDC ?

KH: le but de cette disposition n’est pas de punir les opérateurs économiques légaux en RDC, mais de donner au consommateur américain les plus amples informations possibles sur la provenance de ses achats.

L’idée c’est de donne à un Américain la possibilité de choisir entre un téléphone qui finance les FDLR, les Mai-Mai Cheka ou le M23 et un autre téléphone produit par une société responsable qui paie ses impôts. En fait, pour nous, il n’y a pas de choix, même si le deuxième téléphone est plus cher.

Nous ne voulons pas que nos achats soient liés aux violations des droits de l’homme. Nous voulons travailler main dans la main avec le gouvernement [congolais] pour promouvoir un secteur [minier] responsable où les sociétés et coopératives paient les impôts et contrôlent les chaînes d’approvisionnement.  Elles pourront ainsi devenir partenaires dans le marché global responsable. Je crois que ça c’est l’avenir pour le pays, pas la contrebande.

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