Heineken en RDC : un cocktail frelaté de bière et de politique

Le journaliste Olivier van Beemen, auteur d’un livre sur le brasseur néerlandais Heineken et ses activités africaines, dresse le bilan controversé de quatre-vingts ans de présence au Congo.

Heineken est bon pour l’Afrique. Au royaume des Pays-Bas, les activités africaines du groupe brassicole sont considérées comme l’un des meilleurs exemples de l’efficacité du développement par le commerce, et non pas par l’aide. Du premier ministre libéral, Mark Rutte, au ministre de commerce et de coopération social-démocrate, Lilianne Ploumen, en passant par la reine Maxima, tous ont chanté les louanges des opérations africaines du fleuron de l’industrie néerlandaise.

En République démocratique du Congo (RDC), où le groupe est présent depuis 1935 par sa filiale Brasseries limonaderies et malterie africaines (Bralima), les avis sont plus partagés. En décembre 2015, un groupe de 168 anciens employés de Bukavu, à l’est du pays, a porté plainte contre la maison mère auprès du Point de contact national (PCN) de La Haye pour les principes directeurs de l’Organisation pour la coopération et le développement économiques (OCDE). Chaque membre de l’OCDE peut saisir le PCN de son pays pour faire respecter les principes directeurs de l’institution internationale.

Cette plainte, jugée recevable par le PCN de La Haye la semaine dernière et rendue publique mardi 28 juin, pourra désormais donner suite à une action judiciaire. « Heineken ne doit pas compter sur notre éventuel essoufflement. C’est ce que Bralima espérait en nous conseillant de ne pas continuer à perdre notre temps », peut-on lire dans la plainte de 90 pages, appuyée par de nombreux documents.

Le collectif estime avoir été licencié abusivement pendant la guerre civile qui a dévasté le pays entre 1998 et 2003. Pour lui, Heineken a utilisé le conflit comme prétexte pour une réduction d’à peu près un tiers des effectifs. Ils signalent que la brasserie continuait à produire et que, tout de suite après leur départ, ils ont été remplacés par des journaliers moins coûteux, ce que Heineken ne dément pas. Il s’agirait donc d’une mesure d’économie opportuniste et non pas d’une réduction d’effectif devenue nécessaire en raison des circonstances économiques.

Dans un pays riche en ressources naturelles, où les recherches sur les activités des entreprises multinationales se sont concentrées sur l’industrie extractive, le cas de l’agroalimentaire Heineken montre que les pratiques d’affaires controversées en RDC ne se limitent pas aux activités minières.

« Des problèmes, il y en a toujours. Ici, c’est le Congo »

Autre exemple à Boma, une modeste ville portuaire à huit heures de route de la capitale, Kinshasa. Quand le président Joseph Kabila se rend sur place, c’est dans une villa somptueuse sur le terrain de la brasserie qu’il est hébergé. Ainsi, il est l’invité d’honneur de Heineken, le troisième groupe brassicole mondial.