La « mission impossible » du représentant du pape François en RDC

Un îlot de quiétude se cache dans Kinshasa. Derrière un haut portail en fer brun, une petite allée traverse un jardin discret, agrémenté d’une fontaine aux eaux cristallines, pour atteindre la vaste demeure. L’hôte des lieux honore d’une ponctualité rare le rendez-vous. Il est 16 heures et quelques minutes quand Mgr Luis Mariano Montemayor s’installe sous la croix qui toise la pièce. Yeux rieurs, timbre chantant d’un Argentin s’exprimant en français, le nonce apostolique affiche un flegme étonnant, pour qui joue comme lui en terrain miné.

« L’arène politique du moment »

« Avec [Joseph] Kabila, cela ne va pas bien, je ne crois pas que je puisse y aller », a déclaré son ami le pape François à l’hebdomadaire allemand Die Zeit cette semaine. Le président congolais avait été reçu au Vatican en septembre 2016 mais ne semble guère enclin à rendre l’invitation au chef d’une Eglise catholique dont il se méfie.

« J’ai réussi à décider Kabila une fois, s’amuse le nonce apostolique. Quand je lui ai présenté mes lettres de créance, je lui ai dit qu’au moins, désormais, il pourrait m’expulser en parfaite légalité, cela l’a fait sourire. »

Le deuxième et dernier mandat constitutionnel du chef d’Etat s’est achevé le 19 décembre 2016. Le président a toutefois négocié son maintien au pouvoir jusqu’à la tenue d’élections. Des tractations entre opposition et majorité présidentielle menées aux forceps de l’autre côté d’un mur ombragé par les palmiers de la résidence du Vatican. Là siège la Conférence épiscopale nationale du Congo (Cenco).

« Bienvenue dans l’arène politique du moment », s’esclaffe un évêque. Deux petits immeubles et une allée impersonnelle, tel est le décor d’une lutte politique sournoise, longue et impitoyable dont dépend le destin du plus grand pays d’Afrique francophone. Démarré le 8 décembre, interrompu après la mort de l’icône de l’opposition Etienne Tshishekedi le 1er février à Bruxelles, le dialogue a enfin repris, jeudi 16 mars, sans pour l’heure accoucher d’un calendrier électoral précis ou d’un nouveau gouvernement.

Le nonce apostolique vient en voisin et tente en toute discrétion d’harmoniser ce processus. Nombreux sont les diplomates et fonctionnaires de l’ONU à l’avoir mis en garde. Lui n’en a cure et estime que c’est son devoir que de s’essayer à cette « mission impossible », anticipant quelques coups bas et les efforts des stratèges de Joseph Kabila pour « ralentir le processus, trouver des points de blocage, chercher à diviser l’opposition ». Poussé à la table des négociations par les puissances voisines, notamment l’Angola, la communauté internationale – Nations unies en tête –, le clan Kabila, sans échappatoire, continue de louvoyer.