RD Congo : Étienne Tshisekedi n’a pas changé

Monsieur Étienne Tshisekedi est un aîné, de surcroît Premier ministre du gouvernement dans lequel j’ai fait mes premiers pas comme ministre, ce qui rend malaisé un jugement de valeur de ma part sur lui mais la polémique autour des contre-propositions du Rassemblement de l’opposition qu’il pilote aux résolutions du Dialogue tenu à l’initiative du président Kabila ramène à la surface une expérience dont il me faut témoigner.

Cette polémique m’a rappelé les circonstances du départ de mon parti de l’Alliance avec l’Union sacrée de l’opposition qu’animait M. Tshisekedi en 1995. Désigné par ce dernier avec quatre collègues pour accompagner son alter ego, Kibassa Maliba, à une négociation avec Mobutu à Gbadolite en vue de son retour à la Primature, je l’entendis nous faire porter peu après, et de manière fallacieuse, la responsabilité de cette initiative (« je ne les ai pas mandatés. Interpellez-les ! ») lors d’un meeting alors qu’il nous avait chaleureusement félicité en sa résidence à notre retour quelques jours avant que Mobutu ne lui fasse faux bond. Pris à partie par ses lieutenants, nous n’échappâmes au lynchage que grâce à la garde civile.

Vingt ans après, cette polémique illustre que rien n’a changé : M. Tshisekedi est resté l’homme qui crée des incidents lorsqu’il veut accéder aux affaires, les crée lorsqu’il y accède et continue de les créer lorsqu’il n’y arrive pas ou en est évincé. Son intransigeance prend appui sur le respect de la Constitution. Mais son action juxtaposée aux différentes constitutions de la RDC démontre le contraire : en 1960, il avait rejoint la sécession sud-kasaïenne, en violation de la loi fondamentale. Le 14 septembre 1960, il intègre le collège des Commissaires généraux, premier coup d’État contre le gouvernement Lumumba. Lorsque le 24 novembre 1965, Mobutu opère un deuxième coup et suspend la Constitution, il entre dans son gouvernement.

Dès 1967, il est parmi les fondateurs du parti MPR de Mobutu qui le charge de rédiger une nouvelle Constitution limitant le nombre des partis autorisés au Congo à deux. Seulement, lorsque des lumumbistes tentent de formaliser leur parti, ils sont malmenés par les affidés du ministre de l’Intérieur, Tshisekedi. Le MPR se muera en 1974 en Parti-État.

Ses premières dissensions avec Mobutu en 1980 sont une révolution de palais (lettre des 13 Parlementaires). L’UDPS est créée en 1982.

Début 1990, le monopartisme de 1967 est supprimé par une conférence nationale imposée à Mobutu par le vent de l’Histoire. Des personnalités comme M. Tshisekedi ont certes contribué à cette déconstruction de l’autocratie, mais le processus de démocratisation a souffert d’une certaine irrationalité de son action. Alors que Mobutu, coincé par des conférenciers survoltés avait avalisé son accès à la tête du gouvernement, ses quatre passages éphémères à la tête de l’exécutif entre 1991 et 1997, seront caractérisés par des controverses futiles et souvent stériles.

Chef du gouvernement, il plaide pour la suspension de l’aide extérieure, incite aux pillages par une démonétisation irréfléchie des billets de banques perçus comme solde par les militaires, paralyse l’économie par des « villes mortes » pour un oui ou un non dans ses relations tumultueuses avec Mobutu, se lance dans une guerre de clans dans son parti, diabolise ses alliés (Ileo, Kengo) ainsi que les « facilitateurs » (Mgr Monsengwo, l’Algérien Brahimi, le Sénégalais Abdoulaye Wade).