RD Congo : Joseph Kabila à l’heure du bilan

Ses lieutenants rêvent d’une prolongation de son bail à la tête de l’État. Lui ne laisse rien deviner de ses intentions. En attendant d’en savoir plus sur l’avenir politique de Joseph Kabila, retour sur ses quinze années au pouvoir.

Était-ce son dernier message solennel à la nation ? Rien n’est moins sûr. Ne dérogeant pas à ses habitudes, Joseph Kabila s’est adressé à ses compatriotes à la veille des festivités commémoratives de l’indépendance du pays, le mercredi 29 juin au soir. Son second mandat expire à la fin de l’année et, en l’état actuel de la Constitution, il ne peut plus se représenter. Il n’a pourtant rien laissé transparaître, ni sur ses intentions ni sur son avenir politique.

C’est pourtant sur ces terrains-là que beaucoup, en interne et au-delà des frontières nationales, attendaient ce chef d’État secret et taciturne. Mais celui que ses détracteurs soupçonnent de vouloir se maintenir au pouvoir est resté muet sur le sujet, se contentant d’affirmer que « plus rien ne pourra arrêter le train des futures élections ». Avec ou sans lui ? Le suspense demeure, et ses lieutenants multiplient les ballons d’essai dans la perspective de négocier un prolongement du bail de leur champion à la tête du pays, par la voie d’une révision constitutionnelle, d’un changement de la Constitution, voire d’un référendum.

Jeune leader des troupes armées

En attendant, place au bilan. Quinze années se sont écoulées depuis que Joseph Kabila est arrivé au pouvoir, à la mi-janvier 2001. Il n’avait que 29 ans à l’époque, mais dirigeait déjà les forces terrestres de l’armée congolaise. Un leadership militaire que le fils aîné de Laurent-Désiré Kabila avait acquis quelques années plus tôt.

« Il était à la tête des kadogo [“petits”, en swahili], ces jeunes gens appuyés par des troupes régulières rwandaises qui constituaient l’armée de son père, alors chef rebelle », rappelle Barnabé Kikaya Bin Karubi, son principal conseiller diplomatique. « Avec James Kabarebe [aujourd’hui ministre rwandais de la Défense], explique-t‑il, Joseph Kabila a conduit et remporté en mars 1997 la grande bataille de Kisangani, dans le nord-est du Zaïre, alors que le pouvoir de Mobutu promettait de défendre jusqu’au bout la troisième ville du pays, menaçant de mener des “contre-offensives foudroyantes”. »

Une fois le régime en place déchu, les nouveaux maîtres de Kinshasa tentent, avec l’aide de l’Angola, de reconstituer l’armée congolaise en s’appuyant sur ces kadogo, rebaptisés Bana Mura, dont l’essentiel des hommes compose aujourd’hui la garde républicaine. Mais, au cœur de la nouvelle guerre, Kabila père est assassiné dans son palais. Désigner Kabila fils pour lui succéder fut ainsi un « choix judicieux qui a évité la révolte des troupes », explique ce proche collaborateur du chef de l’État.