Plusieurs personnalités et organisations ont réagi depuis le brouillage du signal de Radio Okapi à Kinshasa le samedi 1er décembre dernier. Le vice-Premier ministre belge et ministre des Affaires étrangères, Didier Reynders, a dit, lundi 3 décembre, « regretter » la décision du Conseil supérieur de l’audiovisuel et de la communication (CSAC), organe de régulation des médias en RDC, suspendant pour quatre jours les émissions de cette radio. Le CSAC reproche aux responsables de ce média de ne pas avoir déposé le cahier de charge de la radio comme il leur a été demandé.
« Cette radio joue un rôle important de diffusion d’information neutre et utile pour les populations locales. C’est d’ailleurs en raison de ce rôle essentiel en faveur de la paix et de la promotion des droits de l’homme que la Belgique soutient les activités de Radio Okapi », a indiqué le chef de la diplomatie belge dans un communiqué.
Didier Reynders dit espérer qu’une solution « pourra être trouvée rapidement pour permettre la reprise des émissions, qui semblent n’avoir été interrompues que pour des raisons administratives sans gravité apparente ».
Le président du CSAC a affirmé sur RFI que la Radio Okapi a été suspendue pour des raisons administratives. « S’ils amènent leur cahier de charge, nous allons rouvrir la radio », a-t-il assuré.
Dans un communiqué conjoint rendu public ce lundi, Reporters sans frontières (RSF) et Journaliste en danger (Jed) ont dénoncé la décision du CSAC. Les deux organisations de défense de la liberté de la presse appellent à la levée de la suspension « sans aucune autre condition préalable ».
« Alors que la situation humanitaire et sécuritaire au Nord-Kivu préoccupe toute la communauté internationale, la suspension de Radio Okapi prive la population d’informations cruciales, et contribue à renforcer le sentiment d’insécurité », indique le communiqué.
Pour Scott Mayemba, chercheur à Jed, « la non transmission d’une grille de programme ne peut pas à elle seule, justifier une décision aussi préjudiciable à des millions de personnes qui ne peuvent s’informer autrement que grâce à Radio Okapi ».
« Nous savons tous que la Radio Okapi couvre l’ensemble du territoire national. De ce fait, des milliers de Congolais qui ont droit à l’information [en sont privés]. Nous demandons au CSAC d’ordonner la reprise sans condition et sans délai des émissions de la Radio Okapi »,, a-t-il expliqué.
Pour l’ONG de défense des droits des Journalistes Freedom For Journalist qui condamne cette suspension, « cette mesure jette le discrédit sur le prestige du CSAC ».
Son président, Désiré Kazadi, estime que la raison évoquée pour justifier cette suspension « ne se fonde sur aucune base légale ».
Rostin Manketa, secrétaire exécutif de la Voix des sans voix, une ONG de défense des droits de l’homme, qualifie la décision du CSAC « d’arbitraire et d’impopulaire ».
« Nous sommes convaincus que le CSAC n’a pas agi seul et que les injonctions lui ont été données. Et à ce niveau-là, il faut que toutes les autorités s’impliquent pour que cette radio qui informe toute la population congolaise puisse fonctionner sans délai », fait-il savoir.
Jean Claude Katende, président national de l’Association africaine de défense des droits de l’homme (Asadho), une autre ONG de défense des droits de l’homme, estime, pour sa part, que si la Radio Okapi n’émet plus, « les autres journalistes n’auront plus le courage de travailler dans ce pays où on a déjà tué des hommes de médias ».
« Nous avons été surpris d’apprendre cette décision du CSAC compte tenu du professionnalisme des journalistes qui travaillent à cette radio », explique-t-il.
Réactions des Kinois
Des habitants de Kinshasa ont également réagi au brouillage du signal de Radio Okapi dans leur ville. La plupart de Kinois interrogés désapprouvent cette décision. D’autres estiment que si la mesure est conforme aux lois du pays, le média n’a qu’à s’y soumettre.
« Je suis très mécontent parce que la Radio Okapi est la seule radio qui nous dit la vérité. Ça démontre la mauvaise foi des autorités », affirme un Kinois.
Un autre plaide pour la réouverture de la radio tandis que son voisin dénonce la mauvaise foi du CSAC. « C’est une radio qui donne la vraie information dont le peuple a besoin. Si on commence à fermer toutes les radios et les télés, comment va-t-on vivre ? », s’interroge-t-il.
Mais un autre Kinois estime plutôt qu’il faut « faire la part de chose entre les lois de la République et la liberté de la presse ».
« Si l’Etat demande à la Radio Okapi de se conformer aux dispositions légales, il est normale qu’elle puisse accepter », indique-t-il avant de tempérer : « Il ne faut pas bâillonner la presse ».
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