Joseph Kabila : « La guerre dans l’Est a pour objectif de justifier la balkanisation de la RDC »

Le président Joseph Kabila Kabange prononçant son discours sur l’état de la nation le 15/12/2012 à Kinshasa, devant les deux chambres du Parlement réunies en congrès. Radio Okapi/ Ph. John Bompengo

Au cours de son discours sur l’état de la nation prononcé ce samedi 15 décembre au Parlement, le chef de l’Etat congolais, Joseph Kabila, a déclaré que l’objectif de la guerre qui sévit actuellement dans l’Est de la RDC est de « susciter des foyers de tensions pour créer le chaos et ainsi justifier la balkanisation du pays ». Devant les députés et les sénateurs, il a consacré l’essentiel de son adresse à la situation sécuritaire au Nord-Kivu, indiquant que « dès lors qu’une partie du territoire se trouve en péril, c’est toute la RDC qui est concernée ».

Dès le début de son discours, Joseph Kabila a mis en cause le Rwanda dans la situation sécuritaire qui prévaut dans l’Est du pays.

« Tout a été dit sur l’agression de notre pays par le Rwanda. Des preuves suffisamment documentées sont fournies aussi bien par nos services spécialisés que des rapports des Nations unies », a-t-il indiqué.

Rappelant les débuts de ce conflit, il a affirmé que c’est à la fin du mois de mars 2012 que « des éléments à la solde des intérêts étrangers ont entrepris de semer le trouble et la désolation dans la province du Nord-Kivu ».

« A l’origine, ce fut une mutinerie justifiée par les allégations de non-application  de l’accord du 23 mars 2009 conclu entre le gouvernement et une trentaine de groupes armés. Aujourd’hui l’accord n’est contesté que par un seul d’entre eux. Cette mutinerie s’est ensuite muée en une rébellion aux motivations fluctuantes et élastiques variant en fonction des alliances et des circonstances. La stratégie mise en place est simple : susciter des foyers de tensions et provoquer l’insécurité en plusieurs endroits de la République, décourager les investissements et empêcher la mise en place du programme de reconstruction nationale. Bref, créer le chaos et justifier ainsi la balkanisation de notre pays », a expliqué le chef de l’Etat.

Joseph Kabila a regretté « le cauchemar que vivent près d’un million de personnes au Nord-Kivu », victimes « d’une guerre dont les véritables concepteurs et commanditaires sont aussi insaisissable que le sont leurs motivations profondes, sujet tabou parce qu’inavouable ».

Il a condamné les meurtres, assassinats, enlèvements, détentions arbitraires et pillages dont sont victimes les habitants de cette partie du pays.

Il a rendu hommage à ceux qui ont perdu leur vie depuis le début de ce conflit, saluant « la bravoure des militaires et policiers morts sur le champ de bataille ».

Mais Joseph Kabila s’est voulu optimiste. « N’en déplaise aux prophètes de malheur qui projettent le démembrement de notre pays, la RDC restera un Etat de droit, indépendant, souverain, uni et indivisible », a-t-il lancé.

« Il est vrai que nous avons, il y a peu, perdu une bataille mais comme dans la vie d’un homme, un échec dans l’existence dune nation n’est pas une fatalité. Le plus important est de se ressaisir et se donner les moyens de se projeter dans l’avenir. Apprêtons-nous à défendre notre mère patrie jusqu’au sacrifice suprême. Nous ne ménagerons aucun effort pour reconquérir nos territoires occupés », a-t-il ajouté.

Le président congolais a affirmé que son gouvernement a mené des actions sur trois fronts pour mettre fin à cette guerre, citant les démarches diplomatiques, politiques et militaires entreprises.

« Sur le plan diplomatique, la guerre au Nord-Kivu a justifié notamment la convocation en sept mois de cinq sommets extraordinaires de la CIRGL, de deux sommet de la SADC, d’une rencontre tripartite RDC-Rwanda-USA ainsi que de deux résolutions du conseil de sécurité des Nations unies », a-t-il soutenu, indiquant que les chefs d’Etat des Grands lacs ont décidé du déploiement d’une force internationale neutre à la frontière entre la RDC et le Rwanda.

Sur le plan politique, il a évoqué le dialogue que le gouvernement a engagé avec le M23 sous l’égide de la Conférence internationale de la région des Etats des Grands lacs « afin d’éviter le prétexte de la déstabilisation ». Mais pour lui, « ces échanges n’ont pour but que de clarifier les enjeux et d’établir des responsabilités dans cette guerre ».

Au sujet de l’aspect militaire, le chef de l’Etat congolais a promis de faire de la défense une priorité:

« Certes nous poursuivons nos efforts diplomatiques mais comment ne pas constater que seule une armée républicaine forte nous permettra de sauvegarder notre intégrité et notre souveraineté ».

« Désormais, au-delà de toutes nos actions pour le développement, notre priorité sera la défense de la patrie avec une armée dissuasive, apolitique et professionnelle qui rassure notre peuple », a-t-il déclaré, appelant à un enrôlement volontaire des jeunes dans l’armée.

Au sujet de la Monusco, le chef d’Etat congolais a indiqué qu’en dépit « de certaines réalisations communes indiscutables telle que la réunification du pays et l’accompagnement dans le processus démocratique, force est de constater que la crise actuelle a donné la preuve des limites de son action dans notre pays d’où une profonde frustration du gouvernement et de la population congolaise».

Affirmant que les résultats de la Monusco demeurent « mitigés », il a révélé que la RDC a exigé un réaménagement du mandat de la mission onusienne « pour la mettre en phase avec les réalités du terrain ». « Nous attendons des discussions actuellement en cours au Conseil de sécurité des Nations unies qu’elles aboutissent à son renforcement », a-t-il fait savoir.

« Renforcement de la démocratie »

Le chef de l’Etat a consacré la dernière partie de son discours aux questions politiques et économiques. « Certes 2012 a été une année difficile mais elle nous a permis de réaliser des avancées incontestables », a-t-il déclaré.

« Sur le plan politique, les différentes actions engagées ont été focalisées sur le renforcement de notre jeune démocratie et la consolidation de l’état de droit », a-t-il soutenu, indiquant que les dernières élections des gouverneurs du Bas-Congo, de la Province Orientale et du Kasaï-Occidental ont démontré « la vivacité de notre système politique dans lequel toutes les libertés sont admises et les contradictions acceptées ».

Joseph Kabila a également évoqué la reforme de la Ceni « qui a fait l’objet d’un large débat dans les deux chambres du Parlement ».

Il s’est également félicité de l’adoption d’une loi relative à la création de la commission nationale des droits de l’homme.

Mais il a attiré l’attention sur les dangers qui guettent la démocratie congolaise. « Si le débat caractérise la démocratie, les agissements de certains responsables n’augurent pas de l’exercice d’une bonne gouvernance. Le débat politique doit se tenir dans le respect des règles de la décence, de la courtoisie avec un sens de responsabilité », a-t-il prévenu avant de lancer :

« Il n’y a pas une République pour la majorité et une autre pour l’opposition. Nous avons une seule République ».

« De bons résultats économiques »

Joseph Kabila s’est également réjoui des réformes économiques entreprises par son gouvernement qui, selon lui, ont donné des résultats encourageants. Il a notamment évoqué le taux de croissance estimé cette année à 7,2% ainsi que celui de l’inflation estimé à 3%, « un des plus bas de notre histoire ».

« Cependant, a-t-il tempéré, beaucoup de Congolais semblent fatigués de la stabilité du cadre macro-économique alors que leurs conditions de vie ne s’améliorent pas dans les mêmes proportions ».

« Un peu de créativité, doublée de volontarisme, s’impose », a martelé le chef de l’Etat.

Ecouter l’intégralité du discours de Joseph Kabila.

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