Anniversaire des émeutes de 2015 en RDC : manifestation à Bukavu, opposition muselée à Kinshasa

La police disperse les manifestants de l'UNC jeudi 20 février à la place de l'indépendance à Bukavu (Sud-Kivu)/ Ph. UNC

Près de 5.000 personnes ont manifesté contre le pouvoir mardi à Bukavu, dans l'est de la République démocratique du Congo, tandis qu'à Kinshasa, la police a empêché toute la journée les rassemblements prévus par l'opposition à la mémoire des morts de la répression des émeutes de janvier 2015

A Lubumbashi (sud-est), deuxième ville du pays, l'armée a dispersé à la mi-journée quelques 300 personnes réunies à l'appel de l'opposition pour prier dans la rue pour les quelques dizaines de personnes tuées entre le 19 et le 22 janvier 2015 lors de violences provoquées par l'examen au Parlement d'un projet de loi électorale contesté.

Un correspondant de l'AFP qui couvrait cette manifestation a été molesté par des soldats et retenus pendant plusieurs heures avant d'être relâchés.  

A Goma, capitale du Nord-Kivu (est), environ 400 personnes ont manifesté contre le pouvoir dans le calme, selon un autre journaliste de l'AFP.

Le plus grand rassemblement de la journée a eu lieu à Bukavu, fief du troisième parti d'opposition, l'Union pour la Nation congolaise (UNC), où les manifestants se sont rassemblés sur une place pour écouter divers orateurs venus dire "non" à un "troisième mandat" du président Joseph Kabila et exiger la tenue de la présidentielle en 2016, comme prévu par la Constitution.

La nuit précédente, selon le correspondant de l'AFP dans la ville et d'autres habitants, des inconnus étaient passés munis de mégaphones pour clamer haut et fort dans certains quartiers : "Il n'y a aucune manifestation prévue demain à Bukavu".

A Kinshasa, le Front citoyen 2016, coalition d'opposants à M. Kabila, avait prévu plusieurs dizaines d'offices religieux à la mémoire des victimes de janvier 2015 suivis de conférences-débats sur "l'alternance démocratique" en plusieurs points de la ville, dans un souci d'éviter une éventuelle confrontation avec les forces de l'ordre sur la voie publique.

- 'Message séditieux' -

Mais la police a empêché l'accès à de nombreux lieux de culte catholiques ou à des salles louées par l'opposition pour l'occasion, selon une journaliste de l'AFP.

"Le message que les conférenciers allaient livrer était séditieux, la police a reçu l'ordre de disperser les attroupements", a déclaré à l'AFP le lieutenant-colonel Pierrot Mwana Mputu, porte-parole de la police nationale.

Président de l'UNC, Vital Kamerhe, ancien allié de M. Kabila, a déclaré à l'AFP avoir donné consigne à ses militants venus l'écouter de "ne pas céder à la provocation" lorsque la police est entrée dans la salle où il devait tenir une conférence.

Le climat politique est très tendu en RDC, où l'opposition accuse M. Kabila, au pouvoir depuis 2001 et dont le mandat expire en décembre, de chercher à tout faire pour se maintenir au pouvoir au-delà de la fin de l'année, alors que la Constitution lui interdit de se représenter.

Plusieurs dizaines d'interpellations et l'arrestation de quelques personnes ayant loué des salles à l'opposition ont été signalées dans la capitale.

Le curé d'une paroisse d'un quartier populaire de l'ouest de Kinshasa a affirmé à l'AFP avoir reçu dans la matinée la visite "d'un groupe de policiers" venus pour lui signifier que "le gouvernement n'avait pas autorisé la célébration de la messe" demandée par des opposants.

"La messe n'a pas besoin d'autorisation", a-t-il ajouté, mais "par prudence on a annulé la messe pour ne pas porter la responsabilité" d'éventuelles violences.

En début de soirée, sept policiers en tenue anti-émeute filtraient l'entrée des abords de la cathédrale de Kinshasa. Dans un quartier proche, une douzaine d'agents interdisaient l'accès à une autre église catholique où devait avoir lieu une prière œcuménique à l'occasion de la "Semaine pour l'unité des chrétiens"

Avec l'AFP.