Eve Bazaiba : « Il ne faut pas que le Rassemblement et la MP nous roulent dans la farine »

Le Front pour le respect de la constitution, plateforme dirigée par la secrétaire générale du MLC, Eve Bazaiba n’a pas encore signé l’accord du centre interdiocésain conclu le 31 décembre dernier. Il exige la gestion du Conseil national de suivi et du processus électoral, une structure dont la présidence a été confiée à Etienne Tshisekedi, coordonnateur du conseil de sages du Rassemblement.
 
Invitée de Radio Okapi lundi 9 janvier, Eve Bazaiba estime que le conseil national de suivi ne peut pas être dirigé par « des personnes qui seront juge et partie ».
 
La secrétaire générale du MLC justifie sa position et condamne l’attitude du « partage des pouvoirs » entre la Majorité présidentielle et le Rassemblement, ainsi que le silence de la société civile.

Interview.
 
Vous avez promis aux évêques d’apposer votre signature sur l’accord issu des discussions directes entre toutes les parties. A quand cette signature ?
 
Je crois que nous nous sommes compris avec les évêques lorsque nous avions dit que nous pourrions signer incessamment. Les évêques ont aussi reconnu que nos revendications sont pertinentes. La balle est dans le camp des évêques pour que nos revendications soient prises en compte. Il s’agit des garanties de bonne mise en œuvre de ce compromis en termes d’échéance. Nous n’accepterons pas que nous soyons roulés dans la farine par des personnes qui ont décidé de partager le pouvoir. Et ils peuvent avoir des velléités de prolonger leurs mandats au sein de ce pouvoir partagé en arrangement et qu’en 2017 nous n’ayons pas d’élections et que nous revenions dans la situation de départ qui s’est passé en décembre 2016. C’est inconcevable.
 
Qu’est-ce qui vous fait dire ça ?
 
Au niveau du Front pour le respect de la constitution, [nous estimons que] le conseil national de suivi ne peut pas être dirigé par des personnes qui seront juge et partie ; surtout que le gouvernement aura à gérer les fonds qui vont être mis à la disposition de la CENI [Commission électorale nationale indépendante] pour l’organisation de ces élections.
 
Peut-on se dire que l’objectif de votre combat c’est la présidence du conseil national de suivi de l’accord ou rien ?
 
L’objectif de notre combat c’est la garantie de la mise en œuvre effective du compromis politique et la meilleure façon d’avoir ces garanties c’est d’assumer les responsabilités de cette institution de contrôle.
 
Une certaine opinion pense que le Front constitue un point de blocage, alors que les autres parties, la MP, le Rassemblement et une partie des signataires de la cité de l’union africaine ont déjà signé le compromis. Qu’est-ce que vous voulez au juste ?
 
Nous voulons demander au Rassemblement de prendre ses responsabilités. Il ne faut pas qu’il y ait des boucs émissaires. La position du Front ne gêne en rien la mise en œuvre de l’accord. C’est le Rassemblement qui a la responsabilité actuelle. Je vous informe, en tant que parlementaire, que le 15 janvier il y aura clôture de la session extraordinaire. Et un gouvernement pour fonctionner doit passer par l’investiture à l’Assemblée nationale précisément. Le Rassemblement a tout intérêt, dans les 72 heures, à désigner son Premier ministre et à faire mettre en place le gouvernement pour avoir l’investiture du Parlement et que le gouvernement se mette en œuvre. La responsabilité n’est pas du Front. Il voudrait seulement jouer le rôle de la police politique pour nous assurer de la mise en œuvre de l’accord.
 
Le Rassemblement traine le pas, la MP prend son temps, et la session extraordinaire prend fin le 15 janvier. Il n’y aura plus de temps…
 
La majorité a tout intérêt à faire pousser à la mise en œuvre de cet accord. C’est elle qui a eu la responsabilité de nous mettre dans cette situation. C’est elle qui gérait l’exécutif, avec son autorité morale. Qu’on finisse avec les combines pour partager le pouvoir. Nous refusons que quiconque, Majorité ou Rassemblement, utilise la position du front comme étant l’alibi pour ne pas mettre en œuvre cet accord.
 
Qu’est-ce qu’il faut pour que cet accord soit mis en application vite ?
 
La première de choses, c’est la volonté politique et la sincérité de toutes les parties. Nous savons qu’il y en a qui ont des velléités de rester au pouvoir pour puiser à la caisse de l’Etat le plus longtemps possible. Il y en a aussi qui disent qu’ils doivent aller au pouvoir afin d’avoir les mêmes chances financières pour aller aux élections. L’accord est déjà en train d’être mis en œuvre (…)
Il ne faut pas que le Rassemblement et la Majorité nous roulent dans la farine. La société civile qui devrait être le contrepoids de toute la chose se tait. Elle est aussi engouffrée dans la recherche du partage du pouvoir, du gâteau. On n’a pas gagné la guerre, il n’y a pas de butin à partager. Il s’agit d’une république qu’on doit remettre sur les rails. Pendant que les autres évoluent en termes de développement, nous, nous sommes encore en train de nous disputer, cherchant des arrangements particuliers pour partager le pouvoir. Je répète, que le Rassemblement désigne son Premier ministre. Nous courons derrière le temps. Qu’est-ce qu’ils attendent ?

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Propos recueillis par Jacques Yves Molima.​