Leïla Zerrougui : « La MONUSCO n’a pas pour mandat d’organiser les élections en RDC »

Le ministre des Finances, Henri Yav, a affirmé jeudi dernier lors de la tripartite Commission électorale nationale indépendante (CENI)-Conseil national de suivi de l’accord du 31 décembre (CNSA) et le gouvernement que l’exécutif national va financer seul les élections prévues le 23 décembre 2018. Pour la cheffe de la Mission onusienne en RDC (MONUSCO), Leïla Zerrougi, pareille décision de la part de Kinshasa signifie « qu’il y a volonté de mettre les moyens pour organiser des élections ». « C’est aussi une bonne chose », se réjouit-elle, tout en précisant que la MONUSCO n’a pas pour mandat d’organiser les élections en RDC, mais celui d’appuyer les autorités dans le processus électoral. Invitée de Radio Okapi, Leila Zerrougui évoque aussi l’appui ou le soutien de la Mission au processus électoral et la question de la machine à voter. Interview.
 
Radio Okapi : Mme Leïla Zerrougui, le ministre congolais des Finances, Henri Yav Mulang, a confirmé la volonté du gouvernement de financer seul les élections. A propos de la tenue de ces élections, peut-on craindre qu’en l’état actuel des relations MONUSCO-Gouvernement sur les élections, que le volet électoral du mandant de la MONUSCO ne soit pas exécuté ?
 
Leïla Zerrougui : Absolument pas. Nous avons des relations très cordiales avec les autorités. Nous travaillons avec les autorités et les autres parties prenantes dans ce processus. Le gouvernement envisage d’assurer l’organisation et le financement des élections par ses moyens propres, je pense que s’il y arrive, c’est une excellente chose. Ça veut dire d’abord qu’on a maitrisé le processus d’organiser seul les élections. C’est important ! Deuxièmement, ça veut dire qu’il y a volonté de mettre les moyens pour organiser les élections, c’est aussi une bonne chose. Nous n’avons pas un mandat d’organiser les élections, nous avons un mandat d’appui aux autorités dans l’organisation des élections. Si elles peuvent le faire sans nous, ça ne nous gêne absolument pas. Le mandant n’a pas été conçu pour imposer un appui logistique au gouvernement. Le mandat a été mis en place pour dire que si le gouvernement n’est pas en mesure d’organiser les élections et de les financer, la communauté internationale est là pour assister (…). Mais ça n’enlève pas notre implication dans les élections, puisqu’on a un mandat qui va au-delà de l’appui logistique. Celui-ci est une partie du mandat.
 
Si je comprends bien, la MONUSCO est prête à appuyer le gouvernement, s’il le demande ?
 
Nous le faisons déjà. Nous travaillons ensemble. Et nous nous préparons pour le volet qui concerne l’appui logistique. Ce que je veux passer comme message : si les autorités de la RDC, dans ce grand pays continent, peuvent organiser leurs élections seules, si elles peuvent mettre les moyens qu’il faut, si elles y arrivent et ça marche, nous devons être contents.
 
Vous y croyez sincèrement ?
 
Jusqu’à présent, des choses ont été déjà faites. Le 9 février 2018, lorsque je suis arrivée, les gens me demandaient : est-ce que vous y croyez ? On avance. Les choses sont en train de se faire. Pourquoi vous voulez que je doute alors que les candidats ont mis les moyens. Regardez les partis politiques qui comptent dans le pays. Pas seulement à la Majorité [présidentielle], le MLC, l’UDPS, l’UNC. Tous ces partis se sont présentés, ils ont payé [les cautions]. Pourquoi voulez-vous que moi, assise ici à Kinshasa, je doute ?
 
Il y a une question qui continue à diviser les acteurs politiques, à quelques six mois de la tenue de ces élections : c’est la machine à voter. Conformément à votre mission de mener de bons offices, quel est à ce niveau votre action pour amener les différentes parties au consensus ?
 
C’est une question qui continue à diviser les Congolais. Nous travaillons avec eux pour sensibiliser, parce que c’est une décision souveraine. Nous n’avons pas, nous, le droit ou le pouvoir de dire ‘’faites ou ne faites pas ceci’’. Mais nous essayons de convaincre tout le monde, le gouvernement en particulier, mais aussi l’opposition, que c’est essentiel d’aboutir à un consensus par rapport à cette question. Il y a aussi des défis par rapport à faire arriver cette machine, s’assurer qu’elle fonctionne, qu’elle soit sur place en temps opportun, voulu avant les élections, et qu’elle marche. Le deuxième défi, c’est la confiance. Les gens devraient avoir confiance dans cet outil, qui peut dans un autre contexte être juste qu’un outil. Or, dans le contexte de la RDC, il est au cœur de la contestation. Il faut que les parties discutent de ça et travaillent sur les moyens de faire un contrôle pour s’assurer qu’on a accès à l’information, même avec la machine à voter. Que les représentants de la majorité et de l’opposition, quand le temps arrive, s’entendent, construisent la confiance et arrivent à aller aux élections avec un minimum de consensus.
 
Propos recueillis par Jean-Pierre Elali.