« L’insécurité à Beni a rendu les parents et plus encore les enfants très vulnérables. Nous avons totalisé 414 jours sans étudier depuis 2014 », a déclaré jeudi 17 juin à Beni, le président du parlement d’enfants du Grand Nord du Nord-Kivu, Jason Kadiamo. A cause des conditions difficiles de vie, plusieurs enfants se sont livrés aux groupes armés, ajoute-t-il, devant le Président de la République.
« Les garçons servent d’espion dans la ville et de boucliers humains à l’ennemi pendant que les filles sont utilisées comme esclaves sexuelles », détaille Jason Kadiamo, qui a parlé au nom des élèves qui avaient fait des sit-in pendant huit jours pour réclamer la paix au mois de mars dernier.
« L’insécurité a poussé beaucoup des enfants vivant dans la souffrance, sans paix, sans une nourriture, sans le moyen d’accéder à une vie normale de se rallier aux groupes armés. Et dans ces groupes armés, ces enfants sont utilisés comme des boucliers. Les filles particulièrement, elles sont vulnérables à la violence. D’où, elles sont utilisées comme des exclaves sexuels », témoigne de Jason Kadiamo.
Selon lui, les garçons qui restent près des soldats sont aussi des soldats qui vont dans la guerre. Et pas seulement dans la guerre, ils servent des cuisiniers. Mais aussi, ce sont eux qui sont des espions dans la ville.
A la suite des conditions de vie difficiles, ces enfants sont poussés à faire des actions impossibles.
« Cette façon de vivre sans parent, vivre comme un orphelin, délaissé par la communauté tant internationale, nationale que locale. Cette façon de vivre sans pour autant avoir la capacité d’accéder à quelque chose en voyant tous les autres enfants dans le bien-être les pousse à tomber dans des pièges des mercenaires, comme le ferait peut-être toute autre personne qui est conscient et qui voulait avoir la vengeance face à sa souffrance », poursuit-il.
Bouleversé
Très ému par les paroles du représentant des élèves, le Président de la République a promis aux enfants de Beni de ne pas les abandonner.
Félix Tshisekedi a réaffirmé que tant que la paix ne reviendra pas à Beni, il considérera qu’il a échoué dans son mandat. Très choqué par les violences dont les élèves avaient été victimes lors du sit-in qu’ils avaient observé devant la mairie de Beni, il a promis que des enquêtes allaient être diligentées pour que les auteurs répondent devant la loi.
« Excusez-moi d’être un petit peu bouleversé, le jeune homme m’a vraiment saisi émotionnellement. Et je voudrais le remercier, en tout cas, et lui dire : ‘mon fils, je ne vous abandonnerai jamais, vous devez le savoir. Tu as failli vraiment me faire pleurer tout a l’heure parce que je n’ai jamais entendu cette version-là. Et aujourd’hui, j’ai même changé mes propos ».
Le chef de l’Etat, qui pensait que ces élèves étaient manipulés, dit avoir changé d’avis.
« Je comprends que c’est votre souffrance en fait. Vous n’êtes pas manipulés. C’est votre souffrance, vous la vivez, vous les élèves. Et nous n’avons pas le droit de vous regarder comme ça sans rien faire », a-t-il affirmé.
La principale des revendications de ces enfants, a reconnu le chef de l’Etat, c’est la sécurité.
« L’autre, ce sont les conditions d’études et malheureusement, il y en a parmi vos camarades qui ont perdu leurs parents, je le sais. Je crois que la réponse sera la gratuité de l’enseignement que nous sommes en train de mettre en place de manière déterminante. Ça marchera », a-t-il assuré.