RDC : Le blanc mange l’œuf !

Initiation au français parlé populaire au Congo

Le français parlé au Congo (ex-Zaïre) se traduit avant tout par une créativité, des trouvailles linguistiques et un humour décalé, inégalé dans toute l’Afrique francophone. Alors que l’argot des banlieues entraine souvent le rejet et l’exclusion de classe, le français congolais inspire immédiatement la sympathie. Encore faut-il faire un effort de compréhension lors des premiers contacts. Certes, le nouveau venu ne saisira pas instantanément le sens de la phrase : « Faites le minervale et un petit singlet à l’enfant, au moins ça, il en a trop soif » (pour en saisir la signification, il faut allez plus loin dans le texte). Contrairement au sabir de nos banlieues dont la pauvreté du vocabulaire n’a d’égale que la médiocrité de la syntaxe, le français parlé au Congo est d’une richesse étonnante et respecte le plus souvent les règles grammaticales et les phrases sont loin d’être bancales. Certes, il a de quoi dérouter au début, mais ce français est d’une créativité, teintée d’humour et de surréalisme qui n’a d’équivalent nulle part ailleurs. Et, comparativement au langage employé dans nos cités sensibles, le vocabulaire est riche, varié et recherché et souvent, le Congolais utilise le passé simple lors de l’expression orale, ce que ne font plus guère les Français.

Il faut d’abord se souvenir que les Congolais ont été colonisés par la Belgique et cela se ressent. Bien sûr, ils emploient régulièrement septante et nonante pour compter, mais on s’y fait rapidement. « Nous autres, les Congolais, nous parlons belgement ». Des belgicismes, on en retrouve quelques-uns, mais ce ne se sont pas eux qui font la richesse de cette forme de français équatorial. Savoir au lieu de pouvoir est un classique. « Est-ce-que tu sais venir chez moi à 15 heures », mais ce n’est pas ce qui surprend plus le « Français de France  ». Loques, à la place de serpillière, essuie, pour serviette, singlet pour maillot de corps et bien d’autres expressions sentent Bruxelles à plein nez. Et l’on ne dit pas « il a du mal à…marcher, parler », mais « il a difficile à… ». Le légumier est un précurseur des AMAP, il s’agit d’un maraicher attitré qui vient vos apporter régulièrement un panier de légumes à votre domicile et non d’une pièce rare et surannée d’un service en porcelaine. Quant aux minervales, il faut entendre par là les frais de scolarité. « Par pitié faites les minervales à mon fils, car je suis en carence de pénurie ».

Par contre, si les Kinois et en général ceux qui parlent lingala en dehors du français, ont tendance à mélanger allègrement les deux langues au sein d’une phrase, les habitants de l’Est du pays ont plus souvent recours à une traduction littérale du kiswahili ou d’une langue vernaculaire quand ils parlent en français. Si celui qui a longtemps séjourné au Zaïre se souvient du célèbre « esali vaste blague  » lancé comme une apostrophe par Mobutu lors d’un discours officiel devenu célèbre, le visiteur est surtout marqué par des phrases commençant par « en tout cas, vraiment » suivi de mots en lingala. On pourrait multiplier les exemples de franco-lingala, mais cela ne pourrait intéresser que ceux qui maitrisent cette langue. « Mundele, (le blanc) pesa la caisse », viendrait d’une erreur d’interprétation à la suite d’une célèbre chanson en lingala. Par contre, la formule de politesse « approchez » utilisée dans l’Est de la RDC quand arrivent des visiteurs est une traduction de karibu, mot swahili. A cela, celui qui vient d’être accueilli doit répondre par une évidence « Nous sommes, là » ou bien « Nous sommes chez vous » Totalement explicite et surréaliste à la fois est la réplique d’une ménagère (femme de ménage) : « Il faut que je change de sous-vêtement, j’attends des visiteurs  ».

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