Moïse Katumbi, riche homme d’affaires et gouverneur du Katanga depuis 2007, a démissionné mardi 29 septembre de son poste et du PPRD, le parti présidentiel. Dans une déclaration publiée sur Twitter, il évoquait plusieurs raisons à l’origine de cette démission. Pour Radio Okapi, il a accepté d’expliquer son geste. Interview.
Moïse Katumbi Chapwe, vous avez démissionné du PPRD et du gouvernorat de province. Au regard de toutes les raisons qui ont été avancées par vous, vous ne trouvez pas que votre démission arrive tardivement?
Pas du tout. Ma démission n'est pas tardive parce que j'attendais le gouverneur élu. Je crois que vous avez suivi la dernière réunion du conseil des ministres. On va nommer les commissaires spéciaux, ça ce n'est pas constitutionnel. S'il y avait eu l'élection des gouverneurs, je pouvais rester pour la remise-reprise. J'attendais ce gouverneur-là, j'ai même dit avant que nous serons prêts pour accueillir les quatre nouveaux gouverneurs.
Dans votre communiqué, vous avez expliqué avoir remis votre démission au secrétaire général du PPRD, certains pensent que c'est une trahison.
J'ai déposé en bonne et due forme parce que je suis entré au PPRD, parce que le PPRD qui était mon parti, prônait la démocratie. Et quand je vois là où nous sommes en train de partir, je me suis dit: je dois quitter le PPRD. Pour les autres qui disent que Moïse Katumbi vient de trahir, je suis désolé parce que quand on dit la vérité, peut-être que c'est ça la trahison. Moi je considère les gens qui ne veulent pas écouter, les gens qui voudront dans notre pays changer la constitution, les gens qui voudront à tout prix que nous ne puissions pas avoir des élections en 2016, les gens qui veulent nommer les commissaires spéciaux, c'est ça la trahison. Mais si vous regardez, depuis que je suis venu au pouvoir j'ai dit je vais respecter les textes, je vais respecter la constitution. Si vous parlez de trahison parce qu'on veut respecter la constitution, je suis désolé.
Vous savez, moi j'étais en Zambie avec le président Ciluba, il y avait des gens qui voulaient que le président Ciluba puisse briguer un troisième mandant. J'étais là en Zambie, j'étais un grand opérateur économique, parmi les premiers opérateurs économiques en Zambie. En ce moment-là, je préfinançais la Gecamines et le magasin du peuple. Le président Ciluba m'a demandé conseil, il voulait savoir s'il pouvait "glisser" ou avoir un troisième mandat. Je suis allé lui dire que la population pour le moment ne veut pas que vous puissiez continuer. La population veut que vous soyez le père de la démocratie. Mais il a eu des ministres qui lui ont dit de forcer. À la fin, Ciluba a perdu sa crédibilité. Ces mêmes ministres qui disaient aux autres qu'ils avaient trahis, sont venus travailler avec Mwanawassa. On le voit aussi, le général Mahele qu'on a tué dans notre pays parce qu'il avait dit la vérité à Mobutu. On l'avait tué et traité de traitre. Les mêmes gens qui ont tué le général Mahele dans notre pays travaillent avec nous. Quand on parle de trahison, je ne suis pas d'accord.
Avant la mort du président Ciluba, il est venu me voir avec son épouse pour me dire merci. Il m'a dit: Moïse, j'étais très fâché contre toi mais je sais que tu es une personne qui m'aimait beaucoup parce que tu m'avais dit la vérité. Les autres protégaient leurs fauteuils. Il y avait même des gens qui étaient chassés du pouvoir du côté de Ciluba qui voulaient rentrer. Pour avoir un poste, ils disaient: les autres ont trahi. Moïse a trahi quand il vous a donné ce petit conseil. Or, je n'étais pas un politicien, c'était un conseil. C'est ce que je ne voudrais pas dans notre pays qu'on amène au président Kabila. C'est un jeune président qui est venu travailler pour pacifier le pays, ramener la démocratie. Le père de la démocratie. L'histoire va rester dans notre pays. Je ne voudrais pas que les mêmes gens puissent dire : Ah, nous on disait au président Kabila de ne pas glisser, de ne pas avoir le troisième mandat, d'être souple. Et je ne voudrais pas à la fin que ces mêmes gens puissent changer et dire: le président Kabila n'écoutait pas. La vérité est têtue.
Que répondez-vous à ceux qui disent que c'est grâce au président Kabila qui a accepté que vous soyez à la tête de la province que vous vous êtes enrichis aujourd'hui?
Si on dit ça, c'est qu'on ne connait pas l'historique de notre famille. On peut demander à tout le peuple congolais. A l'époque, il n'y avait que Katebe Katoto et le père de Jean-Pierre Bemba qui était de Scibe Zaïre. Et nous, nous pouvons justifier notre argent. Nous ne sommes pas arrivés en politique les poches vides. J'étais président de Mazembe, Mazembe voyageait toujours avec des avions affrétés que ça soit en Coupe d'Afrique. J'ai dû financer le magasin du peuple, j'ai dû préfinancer la Gecamines avec des millions de dollars. J'ai préfinancé même l'AFDL. Si vous lisez le livre de l'ambassadeur Katumba, la vérité est têtue. Il y a des gens qui diront aujourd'hui, Moïse s'est enrichi. Mais demandez à la population, la population peut témoigner pour notre famille. Et je demanderais à tout le peuple congolais que nous puissions nous tous venir montrer où nous avons eu notre argent. Je suis prêt M. le journaliste d'Okapi. Faisons une table ronde. Parlons de ça, comme ça on va éclairer la population. Moïse Katumbi quand il est revenu d'exil, il est revenu en jet privé.
Maintenant que vous venez de démissionner, quel sera votre avenir politique. Etes-vous le potentiel candidat aux élections de 2016?
C'est hier que j'ai démissionné. J'avais dit que j'allais prendre un petit temps. J'ai une lutte à faire: protéger la démocratie dans notre pays. Renforcer la démocratie dans notre pays. Je prends un petit temps de repos pour être à l'écoute de la population et travailler avec toutes les forces vives. Et surtout pour la liberté d'expression dans notre pays.
Propos recueillis par Colin Djuma Musompo
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