Kinshasa: les paris sportifs, le nouveau gagne-pain des sans-emploi ?

Des techniciens ambulants spécialisés dans le rivetage des véhicules au Rond-point Gambela, à Kinshasa, avril 2016. Radio Okapi/Ph. John Bompengo

Au coup de sifflet final des matches de football, difficile de distinguer ceux qui se réjouissent pour la victoire de leur équipe de cœur et ceux qui font des calculs plus intéressés.
 
Feuille de pari entre les doigts, des jeunes (et même des moins jeunes), regroupés autour des bistrots qui diffusent des matches du foot européen, attendent frénétiquement la fin du match pour voir s’ils ont réussi leurs paris. D’autres, smartphone en main, guettent les scores sur les applications des résultats de foot. Pour eux, un but marqué ou un penalty manqué peut décider du repas du lendemain. Depuis environ 5 ans, le pari sportif est devenu un gagne-pain à Kinshasa.
 
Jusque-là, c’est le foot qui tient la dragée haute. La plupart des entreprises qui proposent les paris n’offrent que des paris de football. Dans une capitale qui vibre souvent au rythme des exploits des équipes de football congolais et étranger, le pari sportif est vite devenu un phénomène de société.
 
Conscientes de l’enjeu, les sociétés de pari sportif ont aménagé dans certains quartiers de la ville des locaux, équipés des écrans de télé, où les parieurs suivent les rencontres de football. Tous les soirs, ou presque, ils affichent complet.
 
« Je m’intéresse à ce jeu parce qu’avec 300 francs congolais (0,32 USD), je peux gagner 1 million de francs congolais (environ 1000 USD) ou même 25 millions de francs congolais (environ 26 000 USD) », témoigne un mécanicien rencontré à la salle aménagée par une société de pari sportif sur l’avenue Niangwe.
 
Les mises importent peu, témoignent des jeunes parieurs. Pour eux, il faut de la «stratégie» pour gagner beaucoup d’argent même en pariant peu.
 
De petites mises qui témoignent de la faiblesse des revenus de la plupart des parieurs.
Pour eux, le pari est devenu un gagne-pain.
 
« J’avais misé 300 FC (0,32 USD) et j’ai gagné 300 000FC (323,37 USD) et j’ai ouvert une boutique. Aujourd’hui je vise gagner des millions de francs congolais », fait savoir un autre parieur.
 
« Solution de façade »
 

Michée Kibwe, auteur du livre « L’éducation financière de l’enfant », est plus dubitatif sur le sujet. Pour lui, les paris sportifs peuvent difficilement enrichir une personne qui manque d’emploi.
 
Il estime que le recours au pari sportif peut servir occasionnellement pour résoudre des problèmes d’argent.
« Les gens se ruent vers les jeux du hasard parce qu’ils ne sont pas sûrs d’avoir le travail et trouver solution à leurs problèmes financiers », note Michée Kibwe.  
 
Mais il estime qu’il est difficile de lancer même une petite entreprise avec des sommes gagnées au pari sportif.
 
« Les statistiques de ceux qui gagnent l’argent par ces jeux prouvent que la majorité ne sait pas gérer cet argent gagné du coup. Ils sont troublés et sans projets. Ils gaspillent cet argent et reprennent leur vie d’avant », analyse-t-il.
 
Il reconnait néanmoins qu’un petit nombre a réussi à faire prospérer leurs activités.
 
En attendant d’investir dans d’autres activités- s’ils y pensent-, ces jeunes qui déchirent leurs papiers de pari ou les gardent jalousement selon que les paris ont réussi ou pas répèteront encore ces gestes plusieurs fois. Convaincus qu’ils tiennent là un gagne-pain aussi incertain que les dénouements des matches de foot qu’ils ne se lassent pas de regarder.

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