Steve Mbikayi : « On ne peut pas organiser un Examen qui coûte très cher à l’Etat pour produire des enfants qui n’ont rien en tête »

Le ministre de l’Enseignement supérieur et universitaire (ESU) Steve Mbikayi préconise la suppression de l’Examen d’Etat, épreuves scolaires qui marquent la fin des études secondaires en RDC pour le remplacer à un diplôme de fin de cycle secondaire que décernerait chaque école secondaire agréé par l’Etat à ses élèves finalistes. 

Pour l’entrée à l’université, il propose un test sérieux d’admission organisé par un organisme crédible. Objectif de cette réflexion, combattre la fraude au sein du système éducatif congolais en vue de relever le niveau des élèves qui terminent le cycle du secondaire. Il est l’invité de Radio Okapi ce mardi :

Monsieur le ministre, pourquoi vous demandez la suppression de l’Examen d’Etat ?

C’est parce que je suis ministre de l’ESU [Enseignement supérieur et universitaire, Ndlr] et je constate que les enfants qui viennent pour être inscrits dans nos universités n’ont pas du tout le niveau alors qu’ils ont des diplômes obtenus avec 80% ou 70%, et ainsi de suite. Cela est dû à la fraude généralisée dans laquelle sont impliqués beaucoup de gens : parents, les écoles, les élèves, etc. Alors il faut être sincère. On ne peut pas avoir des examens qui coûtent très chers à l’Etat pour produire des enfants qui n’ont rien en tête. Voilà pourquoi je lance une réflexion qui nécessite qu’il y ait les états généraux de l’éducation nationale pour pouvoir statuer sur la question, la baisse du niveau notamment à partir de l’école primaire, secondaire jusqu’à l’Université.  
Il faudrait donc supprimer ça et laisser chaque école donner son diplôme de fin de cycle secondaire et avoir un test sérieux d’entrer à l’université qui est fait par un bon organisme crédible. 
Et là, ça demande aussi que l’Etat subventionne les universités parce qu’elles prennent des enfants pour des clients. On les reçoit sans niveau parce qu’ils paient de frais pour leur fonctionnement. 
Je plaide pour qu’il y ait aussi un seul ministère d’éducation nationale, au lieu d’en avoir trois ou deux. 

Monsieur le ministre, c’est pratiquement une remise en cause du système éducatif congolais dans son ensemble        
   
Absolument. Parce que tout le monde est d’avis que le niveau a tellement baissé. Vous vous rendez compte que tous les enfants fuient les études scientifique et technologique, parce qu’on les trouve assez compliquées. Tout le monde va vers le droit, l’économie, sciences de la communication et autres. Ce n’est pas normal pour le pays. Il faudra revoir le programme dès l’école primaire pour pousser les enfants à consommer les mathématiques jusqu’à l’université et il faudrait que nos enfants, quand ils ont leur diplôme, que ça soit un diplôme qui a un contenu. Or aujourd’hui, ces diplômes n’ont pas de contenu.

Donc vous proposez qu’on supprime l’examen d’Etat pour le remplacer par chaque diplôme que donnerait chaque école ?

Exact. Et en ce moment-là, les parents vont envoyer leurs enfants dans de bonnes écoles où quand l’enfant a fini, réussit bien au concours d’entrée à l’université. 
Il aura alors un bon parcours universitaire. Et les écoles qui ne seront pas capables de produire de bons élèves vont fermer. Parce qu’aujourd’hui, ces écoles-là n’enseignent pas, mais arrangent la fraude pour donner des diplômes aux enfants avec de grands pourcentages. Et ça tue l’enseignement.

Est-ce que la grande cause de cette situation ne serait pas plutôt la démission totale du gouvernement dans le secteur de l’enseignement ?

Je ne peux pas Parler d’une démission. C’est un système qui est comme ça depuis très longtemps. Il faut qu’on s’arrête et qu’on puisse y réfléchir. L’Etat a sa responsabilité, les parents, les enfants aussi, donc c’est l’ensemble de la société.
Voilà pourquoi je me dis qu’il faut une réforme profonde dans ce qu’on appelle « états généraux de l’éducation nationale ».

Propos recueillis par Alain Irung.
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