Début du dialogue direct entre le Gouvernement et les groupes armés locaux à Nairobi

Les chefs d’Etats membres de la Communauté des États d’Afrique de l’Est (EAC) ont annoncé pour ce vendredi 22 avril le début d’un dialogue entre le Gouvernement Congolais et les groupes armés locaux à Nairobi au Kenya. Cette annonce, faite la veille, a suscité des réactions diverses et divergentes au sein des populations congolaises, notamment, en provinces de l’Ituri et Sud-kivu où plusieurs de ces groupes armés sont actifs. Si certains pensent que ce dialogue constitue une lueur d’espoir du retour de la paix, d’autres émettent de réserve quant aux résultats de ces pourparlers.

Plusieurs acteurs de la vie sociopolitique de l’Ituri interrogés par Radio Okapi saluent cette décision du gouvernement congolais de dialoguer directement avec les groupes armés locaux actifs à l’Est de la RDC. Des acteurs politiques et d’autres observateurs pensent que « c'est le moment où jamais pour que ces groupes armés présentent leurs cahiers de charge au Gouvernement afin de mieux faire connaître leurs revendications ».

Sylvain Agenroth, acteur social, pense que « ce dialogue doit être sincère entre les parties pour un résultat bénéfique pour tous ». 

Tout en saluant cette avancée dans la recherche de la paix en Ituri, la coordination provinciale de la société civile souhaite que « ce dialogue annoncé avec les groupes armés ne soit pas une carte blanche donnée aux auteurs des crimes graves commis en Ituri ». Cette structure citoyenne exclut toute gratification des membres de ces groupes armés après le dialogue annoncé.

C’est depuis décembre 2017 que l’Ituri est de nouveau déchirée par des violences de groupes armés qui ont fait des milliers de morts.

Au Sud Kivu, les acteurs de la société civile émettent de réserve sur la réussite de cette approche. Ils disent attendre la mise en œuvre de décisions de Nairobi sur le terrain. Et c'est au regard des échecs de négociations précédentes avec ces groupes ainsi que les enjeux politiques régionaux, nationaux et communautaires.

Une centaine de groupes armés locaux écume l’Est de la RDC

Alors que s’ouvre ce dialogue de Nairobi avec les groupes armés locaux, se pose la question de la cartographie et l’identification de ces mouvements rebelles.

Le programme de désarmement, démobilisation, réinsertion communautaire et stabilisation (PDDRC-S) a révélé que la province du Nord-Kivu, par exemple, compterait une cinquantaine des groupes armés.

Selon le PDDRC-S, il y a  des grands et des petits groupes armés. Parmi les grands  dans le territoire de Walikale le programme cite les Mai-Mai Kifuafua de Delphin Mbaenda et le NDC/Rénové de Guidon Shimwirayi.

Dans le territoire de Masisi, il y a l’APCLS de Janvier Kalahiri, le NDC/Rénové de Bwira et Mapenzi Fidèle, une dizaine de faction des Nyatura, le groupe UPDC de Bilikoliko, Maimai Lamuka de Noa Maachano, Gav de Matat Mpumuje, FDDH de Dusabe.

Parmi les dizaines qu’il y a en territoire de Rutshuru, le PDDRC-S a identifié notamment l’AFRC de Kakule Je t’aime, alors qu’à Lubero et Beni, il y a entre autres le FPP de Kabidon, les Mai-Mai Léopard, Congo EBebi et UPLC de Mayani.

Au Sud-Kivu, on retrouve des groupes armés dans les territoires d'Uvira et de Fizi Itombwe parmi lesquels Yakutumba et Twirwaneho.

Dans la province de l'Ituri, plusieurs sources estiment à une douzaine, le nombre de groupes armés actifs, à ce jour, principalement dans les territoires d'Irumu, Djugu, Mahagi et de Mambasa.

Certains miliciens ont été démobilisés entre 2005 et 2006, mais d’autres sont restés en brousse notamment la FRPI. Douze ans après, à partir de décembre 2017, les violences vont refaire surface dans le territoire de Djugu. L’Union des Révolutionnaires pour la Défense du Peuple Congolais URDPC/CODECO est le plus actif. 

Au Sud de la province, c’est la même situation dans le territoire d’Irumu, avec la présence de nombreux groupes armés dont la FPIC et la FDBC.

Enfin, le territoire de Mambasa regorge, lui, de groupes Maï-Maï ; ceux-ci occupent plusieurs carrés miniers.

Leurs revendications

Concernant les groupes armés du Sud-Kivu, Yakutumba est représenté à Nairobi par son porte-parole. Tandis que Twirwaneho est représenté par un proche membre de la diaspora basé sur place à Nairobi. Les noms des autres délégués des groupes armés n’ont pas été révélés.

Toutes fois, beaucoup parmi ces groupes armés du Sud-Kivu souhaitaient leur intégration avec la reconnaissance de leur grade dans l'armée régulière ainsi qu'une bonne prise en charge pour ceux qui auront choisi la vie civile.

D'après un animateur du PDDR-CS à Goma, une dizaine de mouvements rebelles du Nord-Kivu ont déjà adhéré au processus de reddition volontaire en abandonnant leurs revendications. Plus de mille des leurs combattants et leaders sont déjà passés par l’opération d’identification biométrique en cours sur le site de Mubambiro, et où ils sont pris en charge en attendant le lancement de la réinsertion communautaire. 

Mais pour le M23, en particulier, les principales revendications restent entre autres « la sécurisation des terres des leurs combattants et le retour en RDC des dizaines des milliers des leurs parents réfugiés en Ouganda et au Rwanda ».

Par ailleurs, l'option de la réintégration d’ex combattants dans l'armée ayant été bannie avec le PDDRC-S, les acteurs de la société civile estiment « que les vrais enjeux de Nairobi privilégient le M23, l'interlocuteur direct actuel du régime de Kinshasa dans ces assises ».

Pour ces acteurs, les mêmes causes produisant les mêmes effets, « les accords avec le M23 n'ayant jamais été révisés laisseraient une brèche pour les autres groupes de réintégrer l'armée, et ainsi revenir à la case de départ brassage et intégration des groupes armés. Une approche qui risque de tacler celle adoptée par le PDDRC-S ». 

Du coté des mouvements armés de l’Ituri, la CODECO, qui avait déjà entamé des pourparlers avec le Gouvernement via la Task force, exigeaient dans son cahier des charges l’amnistie pour tous ses membres, l’enrôlement au sein des FARDC et aussi la libération de leurs membres, détenus en prison. Par rapport au dialogue de Nairobi, la CODECO dit attendre une invitation officielle de Kinshasa. Cependant, ce mouvement se dit favorable au processus de PDDRC-S.

La FPIC quant à elle, se dit également favorable aux pourparlers directs avec le Gouvernement congolais ; même si, selon son porte-parole, elle n'a pas encore été contactée par Kinshasa.

 

 

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