Beni : les étudiants de l’UCBC sensibilisés sur les dangers de la désinformation

De son propre aveu, Chrystone Luzolo, étudiante en deuxième licence économie à l’Université chrétienne bilingue du Congo (UCBC), n’avait jamais entendu parler de la désinformation de manière aussi claire et pertinente.

Avec une petite centaine d’autres étudiants de cet établissement universitaire, elle a participé mardi 13 juin à une matinée de sensibilisation sur les dangers de la désinformation organisée par le bureau de la MONUSCO à Beni.

Devant les étudiants, le responsable de l’information publique du bureau local de la mission onusienne, Jean-Tobie Okala, a expliqué avec force détails les formes que peut prendre la désinformation, des plus subtiles aux plus voyantes.

« L’ignorance est dangereuse »

Si c’était la première fois pour Chrystone Luzolo d’entendre cette problématique autant théorisée et expliquée, elle en a cependant déjà vécu les manifestations.

En 2021, étudiante à l’Université de Bunia, elle voit plus d’une fois ses camarades organiser des marches contre le comité de gestion après des rumeurs faisant état d’une hausse des frais académiques. Il n’en était rien. Après une rencontre entre les responsables de l’université et les représentants des étudiants tout rentrait à la normale.

L’année suivante, elle quitte Bunia pour s’inscrire à l’Université chrétienne bilingue du Congo à Beni. Des manifestations contre la MONUSCO dégénèrent en violences. Les agents de la mission onusienne réduisent leur mouvement dans la ville.

Un matin alors qu’elle se rend à l’université sur une moto qui passe devant le quartier général de la MONUSCO à Boikene, elle fait part au conducteur de son inquiétude par rapport à ce climat de tension autour de la mission onusienne. Le motard lui répond sèchement en swahili : « ces gens sont les complices des ADF ». La jeune fille proteste, « non, c’est faux ». Le conducteur de la moto met en garde l’étudiante et l’interdit de « défendre » la MONUSCO devant d’autres personnes.

Si Chrystone Luzolo s’est senti obligée de porter la contradiction face à son transporteur c’est parce qu’elle a vu travailler la mission onusienne.

« En Ituri, relate-t-elle, j’ai été pendant trois ans présidente du parlement d’enfants. J’ai vu les projets portés par la MONUSCO en faveur des enfants de l’Ituri. J’ai voyagé jusqu’à Djugu avec vos collègues de Child protection à l’occasion de la journée de l’enfant africain ».

Pour la jeune étudiante, si des Congolais en viennent à s’en prendre à la MONUSCO, c’est à cause de l’ignorance. Elle se demande si un autre motard ne lui aurait pas fait du mal à cause de sa contradiction. Avec un peu de recul, elle dit avoir pris la mise en garde du motard comme une menace.

La désinformation peut avoir de graves conséquences

Le motard de Chrystone Luzolo n’a pas fait preuve de violence. Mais la désinformation peut en engendrer. Elle peut créer la panique dans une ville.

Dieumerci Matu, étudiant en sciences de l’information et de la communication, en a vécu une expérience. En 2016, une folle rumeur annonce une attaque des rebelles ADF contre la ville de Beni. Sous une forte pluie, des milliers d’habitants quittent la ville à pied pour trouver refuge à Mangina, 30 kilomètres plus loin. Plusieurs jours après, des familles vont passer sur les radios locales pour annoncer avoir perdu leurs enfants dans la cohue.

Pour éviter ce genre de situation, Jean-Tobie Okala a martelé devant les étudiants de l’UCBC :  

« Ne partagez rien sans vérifier. Les conséquences peuvent être graves. »

Pour lutter contre la désinformation, Saidath Swaleh, étudiante en sciences de l’information et de la communication, plaide pour des sanctions :

« Il faut punir les personnes qui propagent volontairement les fausses informations. »

 

Des dispositions légales relatives à la désinformation, il en a également été question au cours de cet échange.

Me Médard Bikitakita, défenseur judiciaire à Beni, a longuement expliqué aux étudiants les contours du nouveau Code numérique promulgué en mars dernier par le chef de l’Etat. Il a notamment fait savoir que la désinformation génère plusieurs types d’infractions qui sont actuellement punies par la loi congolaise.

Il a notamment pris l’exemple des personnes qui diffusent de fausses informations au sujet des opérations militaires sur le front qui peuvent être poursuivies pour démoralisation des troupes.

Pour sa part, Chrystone Luzolo estime qu’il faut informer, sensibiliser et éduquer. Elle souhaite notamment que la MONUSCO parle de plus en plus de son mandat, comme l’a fait le chef de bureau devant les étudiants de l’UCBC.

Interrogé sur ce que fait la mission onusienne dans la région de Beni, Josiah Obat a pris le temps d’expliquer le mandat et le travail de la mission onusienne, profitant de l’occasion pour évoquer également le plan de transition qui doit conduire la MONUSCO à quitter le pays, le moment venu.

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