30 juin 2025 : la RDC agressée célèbre son 65e anniversaire d’indépendance

La République démocratique du Congo (RDC) fête ce lundi 30 juin 2025 le 65eme anniversaire de son accession à l’indépendance. Cette célébration intervient au moment où une partie du territoire nationale est occupée par la rébellion de l’AFC-M23, avec le soutien du Rwanda.

Les combats violents se poursuivent dans certaines cités du Nord et Sud-Kivu ainsi que de l’Ituri, avec leur lot de déplacements massifs, d’exactions, de pillages… Pendant ce temps, des pourparlers se poursuivent sur trois fronts pour tenter de résoudre diplomatiquement la crise, sous l’église de Washington, Doha et de l’Union africaine.  A quelques heures de la célébration de son indépendance, la RDC a signé un accord de paix jugé historique avec le Rwanda vendredi 27 juin à Washington aux Etats unis d'Amérique, sous l'égide de l'administration Trump.

Il y a 65 ans à la table ronde de Bruxelles

Le 30 juin 1960, quatre personnalités politiques, les deux Premiers ministres belge et congolais, Gaston Eyskens et Patrice Lumumba, et leurs ministres des Affaires étrangères respectifs, Pierre Wigny et Justin-Marie Bomboko, signent l’acte de l’indépendance du Congo. Il s’agit d’une déclaration conjointe entre les gouvernements congolais et belge entérinant l’accession de l’ex-colonie belge à la souveraineté internationale.

Une page d’histoire : 

  • Le vent de l’indépendance souffle sur l’Afrique

Au lendemain de la seconde guerre mondiale, les mouvements indépendantistes commencent à se structurer en Afrique. Les protestations contre le système colonial vont croissant.
Dans la foulée, les anciennes métropoles accordent progressivement l’indépendance à leurs colonies : l’Italie à la Libye (en 1951), la Grande Bretagne à l’Egypte (en 1953), la France au Maroc et la Tunisie (en 1956).

Sentant venir ce vent, Joseph van Bilsen, commissaire du roi des Belges à la Coopération au développement publie en 1955 une étude intitulée « Plan de 30 ans pour l'émancipation politique de l'Afrique belge ». Il propose donc un plan de 30 ans pour l’émancipation du Congo Belge et du Rwanda-Burundi, les deux colonies belges d’Afrique centrale.

  • Le manifeste de la Conscience africaine, première déclaration politique des Congolais

Ce plan fera réagir, d’abord l’administration coloniale belge qui accusera Van Bilsen de trahison ; ensuite deux organisations des autochtones : la Conscience africaine et l’Alliance des Bakongo (ABAKO).
La Conscience africaine est une association des jeunes évolués congolais créée par un prêtre diocésain, l’abbé Joseph Malula. Ce groupe composé notamment de Joseph Ileo, Albert Nkulu, Dominique Zangadie, Antoine Ngonza et Victor Djoli publiera en 1956 en réaction au plan de 30 ans de Van Bilsen un article intitulé : « Manifeste » dans le bimensuel « la Conscience africaine », qu’ils avaient créé.
Dans cet article, la Conscience africaine demande notamment à l’administration coloniale d’adhérer au plan de 30 ans de Van Bilsen pour une indépendance progressive et d’être associée à la rédaction de ce plan. 

  • Déclaration des évêques du Congo

Dans la foulée, les évêques catholiques, la plupart blancs, entrent dans la danse. Le 29 juin 1956, ils sortiront une déclaration dans laquelle ils soutiennent que « l’émancipation d’un peuple est un droit légitime » et affirment que « chaque peuple a le droit d’être émancipé ».
Ils condamnent également le racisme sous toutes ses formes. Pour lier la parole à l’acte, ils sacrent successivement Pierre Kimbondo, Kongolo et Joseph Malula, trois abbés d’origine congolaise, évêques. 

  • Déclaration de l’ABAKO

Les deux précédentes déclarations feront finalement réagir, l’Alliance des Ba Kongo, une association des évolués d’origine Kongo, qui revendiquaient le leadership dans Léopoldville (actuelle Kinshasa). Au terme d’une assemblée générale extraordinaire convoquée le 16 juillet 1956 pour la circonstance, le leader de l’ABAKO Joseph Kasa-Vubu, au nom de l’association, rejette totalement le plan de 30 ans de Van Bilsen et réclame l’émancipation immédiate.

  • Le déclic du 4 janvier 1959

Le 4 janvier 1959, des émeutes éclatent à Léopoldville après que les autorités coloniales ont interdit aux membres du parti politique ABAKO de manifester. Cette révolte populaire va durer trois jours.
La répression est très violente. Le bilan officiel est de quarante-neuf morts. Mais d'autres sources, notamment celles de l'ABAKO parlent de centaines de morts.

  • La date de l’indépendance à la Table Ronde

Ces mouvements de résistance aboutissent à l’organisation de la Table ronde de Bruxelles du 20 janvier au 21 février 1960. Ce forum regroupe dans la capitale belge l’élite congolaise, les chefs coutumiers de l’époque et le Gouvernement belge.

Au début des travaux, deux options contradictoires émergent. Le ministre belge des colonies tient à ce que la table ronde définisse les structures politiques, analyse les problèmes politiques qui se posent dans la colonie et mette sur pied un calendrier d’exécution. Our sa part, la majorité de l’élite congolaise estime qu’il faut d’abord fixer la date de l’indépendance.

Sur ce point, les Congolais avancent la date du 1er juin 1960. Les Belges proposent d’abord le 15 juillet 1960. Finalement, la poire est coupée en deux : la date du 30 juin est retenue par toutes les parties. Jean Bolikango, l’un des pères de l’indépendance, annonce le 27 janvier 1960 à Bruxelles que l’indépendance du Congo sera proclamée le 30 juin 1960.

Les premières élections législatives nationales ont lieu du 11 au 25 mai 1960. Elles mettent en compétition les candidats des 40 partis politiques, précise Pamphile Mabiala dans son livre « Les élections dans l’histoire politique de la RDC de 1957 à 2011 », publié à Kinshasa aux éditions MediasPaul.

Au terme de ces élections, le MNC de Patrice Emery Lumumba et ses alliés sortent vainqueur, et Lumumba est désigné Premier ministre.
De son côté, Joseph Kasa-Vubu est largement élu au suffrage indirect par le premier Parlement congolais comme le premier président de la jeune République du Congo, face à Bolikango.

  • La Proclamation de l’indépendance du Congo à Léopoldville

Le 30 juin 1960, les cérémonies de la proclamation de l’indépendance débutent à 11h45.  Arrivé la veille dans ce qui était encore la capitale du Congo-Belge pour l’occasion, le roi des Belges rend hommage à « l’œuvre conçue par le génie du roi Léopold II et continuée avec persévérance par la Belgique ».

L’allocution suivante, prononcée par Joseph Kasa-Vubu, le chef du nouvel État congolais, est ressentie comme une offense par les nationalistes congolais. 
Au lieu de célébrer l’émancipation de son peuple, le tout nouveau président de la République rend un hommage appuyé à l’ancienne métropole.

Le chef du Gouvernement, Patrice Emery Lumumba, se sent alors dans l’obligation d’intervenir alors que le protocole ne l’avait pas prévu. Il prononce des paroles qui entreront dans l’histoire et qui indiquent que c’est plutôt par la lutte que les Congolais ont conquis leur indépendance :
« Nous avons connu les ironies, les insultes, les coups que nous devions subir matin, midi et soir parce que nous étions des nègres ».

Lire aussi sur radiookapi.net: