Ruberwa pour le dialogue avec L. Nkunda

Azarias Ruberwa

Azarias Ruberwa

Maître A. Ruberwa demande au gouvernement congolais d’utiliser des stratégies politiques et diplomatiques avec les insurgés qui combattent contre les forces gouvernementales dans l’Est de la RDC. Pour lui, il serait mieux de se mettre autour d’une table avec L. Nkunda, pour mettre fin à cette guerre qui tue inutilement les populations du Kivu. L’ex-vice président du gouvernement de transition trouve que certaines revendications de Nkunda sont compréhensibles

- Radio Okapi: Maître Azarias Ruberwa, bonjour,rn- Azarias Ruberwa: Bonjour, Monsieur.
- R. O. : L’Ong Amnesty International craint que l’intensification des combats dans la province du Nord-Kivu n’aboutisse à des conflits ethniques. Est-ce que c’est aussi votre avis ?
- A. R. : Bien sûr que oui. Je pense que plus la guerre va se vivre au Nord-Kivu plus il y aura des problèmes liés aux conflits interethniques. Il y a toujours de mauvaises lectures des faits et ceci fait que les gens lisent l’armée comme si elle représente toutes les ethnies et le groupe des insurgés comme s’il représente une seule ethnie. Et ça c’est très grave. Il y a une sorte de soubassement interethnique mais exploité malheureusement aussi par l’armée. Je pense qu’il faut arrêter cette guerre. Si cette guerre continue, je n’ai pas de doute que l’analyse de l’Amnesty International va s’accomplir.
- R. O. : Certains politiciens estiment que les hommes politiques du Kivu, dont vous, vous tirez aussi des dividendes des troubles à l’Est du pays.
- A. R. : Je ne sais pas quel type de dividendes l’on peut tirer dans une affaire comme celle-là. Comme politicien, il faut investir dans les valeurs. Si vous investissez dans les valeurs, tôt ou tard vous tirerez les dividendes, à coup sûr. Les valeurs, c’est la paix, c’est la justice, c’est la droiture, c’est l’intégrité, c’est la transparence, c’est la démocratie, etc. Mais aujourd’hui, toutes ces populations qui sont sur des montagnes, sur des vallées, sur des plateaux, assoiffées, affamées, malades, mourants de fatigue ou des balles même perdues, ça ne fait pas l’honneur de la classe politique. Parce que ce qui nous unit est plus fort que ce qui nous divise, au point que nous pouvons construire sur l’avenir et voir un Kivu redevenu la Suisse de l’Afrique. Je crois qu’il faut condamner quiconque entretiendrait ce climat de guerre. Mais je pense qu’il y a plus de responsabilité des acteurs eux-mêmes, et je parle du gouvernement et du groupe des dissidents. C’est eux les premiers et vrais responsables.
- R. O. : Quelles sont les relations entre Me Azarias Ruberwa et Laurent Nkunda ?
- A. R. : Pas de relation particulière. Laurent Nkunda a évolué dans l’armée du RCD jusqu’à ce que je le propose, moi, de ma main général commandant de région militaire, au début de la transition. A ce moment-là, évidemment, son organisation n’existait pas encore. Il était un militaire ordinaire comme tous les autres que nous avions. Et donc il n’avait pas voulu venir à Kinshasa prêter serment, s’occuper de ses responsabilités. Depuis lors, on n’a pas de rapport particulier. Je reconnais que c’est un acteur qui est dans la région. Certaines de ses revendications sont compréhensibles. Quelqu’un qui dit : «Mes parents et les parents des autres sont dans les camps des réfugiés dans un pays voisin, en face de là où ils sont, depuis douze ans, treize ans. C’est important qu’il y ait des mesures pour les ramener au pays», il ne parle pas de choses insensées. Une revendication comme celle des FDLR, il n’y a pas que Nkunda qui l’a fait. C’est tout le Kivu qui demande ça, à voir ce qu’ils commettent comme dégâts, à Kanyola ou ailleurs. Et c’est même la région qui le demande, c’est même la Communauté Internationale qui demande ce désarmement. Et donc avec la demande de Nkunda ou sans la demande de Nkunda , le gouvernement a l’obligation de sécuriser la population du Kivu, notamment en désarmant ces FDLR. Pour son statut, il faudra aborder la question d’une manière claire, il faut un moment donné en parler.
- R. O. : Me Azarias Ruberwa, comment venir à bout des combats ?
- A. R. : Disons, je n’ai pas une solution magique. Moi, je pense que l’approche du gouvernement doit être rectifiée. C’est son droit de mettre de l’ordre et d’asseoir son autorité sur l’ensemble du territoire national. Tout gouvernement au monde le ferait. Mais il n’est pas dit que chaque fois qu’il y a un problème, le gouvernement doit répondre par des solutions militaires. Il n’y a presque plus de pays qui font ça ! Il n’est pas démontré que les autres solutions politiques et pacifiques ont été épuisées. Pourquoi ? Parce qu’au mois de janvier, lorsqu’il y avait encore une crise comme celle d’aujourd’hui, le même gouvernement a usé des stratégies pour se faire remettre tous les militaires qui appartenaient à Nkunda. Ils sont entrés pratiquement dans les effectifs de toute l’armée. Au Nord-Kivu, pendant six, sept, huit mois, il y avait complètement du calme, parce qu’il y avait une solution qui avait été trouvée. Aujourd’hui, on peut toujours trouver d’autres solutions. L’approche que je trouve justifiée, c’est l’approche d’une solution globale. Il faut au même moment présenter une recette de propositions par rapport aux réfugiés, avec un timing, avec des moyens, par rapport aux FDLR, par rapport au sort de Nkunda, par rapport au brassage.
- R. O. : Vous parlez bien du sort de Laurent Nkunda. D’après vous, il devrait être réintégré dans l’armée ?
- A. R. : Ecoutez, qui constituent notre armée aujourd’hui ? Ce sont des gens qui ont fait la guerre hier (rire). Et quand ils ont fait la guerre, en majorité, en tout cas, ce n’était pas pour ne pas tuer. Je ne dis pas que la solution politique consiste seulement à le réintégrer dans l’armée. Il peut rester dans les conditions de déchéance, mais sans que ça ne conduise à la guerre. Mais toutes ces personnes qui meurent par centaines, jusque-là on ne voit pas le gouvernement intervenir, que ce soit au Sud-Kivu, que ce soit au Nord-Kivu. Entre le réintégrer dans l’armée et le mettre en dehors de l’armée, mais trouver une solution politique par rapport à son sort, je préférerais, moi, ne pas engager une guerre. On ne recourt à la guerre que si l’on maîtrise le coût, le temps, les moyens et être sûr de moins de perte de vies humaines possibles, et parmi les militaires et parmi les civils. Voilà ce qui doit commander au gouvernement, quelle que soit la possibilité de succès qu’il envisagerait dans cette guerre. Moi, je dirais à sa place : « A cause de cette population qui souffre tant, je fais tout ce qu’il faut pour éviter la guerre.»rn- R. O. : Me Azarias Ruberwa, je vous remercie.
- A. R. : Merci beaucoup, Monsieur.