Mme Louise Mushikiwabo : « Les souvenirs du génocide de 1994 restent encore vifs chez le peuple rwandais »

Louise Mushikiwabo

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« Oeuvrer pour le développement des survivants du génocide d’avril 1994 au Rwanda », c’est le thème de la commémoration lundi 7 avril dernier du 14e anniversaire du génocide rwandais. De ces douloureux événements, que reste t-il dans la mémoire collective des Rwandais ? Que pense le gouvernement de Kigali sur le retour des FDLR ? Autant de questions que Mme Louise Mushikiwabo, ministre rwandaise de l’Information aborde dans une interview qu’elle accordée à radiookapi.net

Radio Okapi : Mme bonjour

Mme Louise Mushikiwabo : Bonjour monsieur

R O : Vous êtes la ministre de l’Information du gouvernement rwandais, que reste-t-il dans la mémoire du peuple rwandais 14 ans après les événements d’ avril 1994 ?

Mme L M : 14 après le génocide des tutsi du Rwanda de 1994, il reste dans la mémoire des Rwandais différentes choses. La première est que l’horreur du génocide n’a pas été effacée, c’est impossible d’ailleurs et c’est visible surtout le 7 avril de chaque année, des souvenirs douloureux reviennent à la surface. Donc les souvenirs restent très vifs. La deuxième chose c’est qu’on se rend compte qu’il reste beaucoup à faire en ce qui concerne la remise sur pied d’une nation dans toute son intégrité qui a été attaquée et détruite par le génocide. Donc, le troisième élément c’est le fait que tous les Rwandais – et le gouvernement, -et les individus affectés et toute la société, remarquent que les conséquences économiques de ce génocide restent un défi…

R O : Au moment où l’on commémore ces malheureux événements, qu’en est-il de la question du retour des FDLR encore en RDC. Quelle est la position du gouvernement rwandais quant à ce retour ?

Mme : Vous savez que le gouvernement rwandais a toujours voulu que tous les Rwandais puissent revenir au pays, puissent intégrer leurs familles. Pour le gouvernement, en tout cas, je crois que le monde entier se réveille pour une action que le gouvernement rwandais a toujours demandée.

R O : Est-ce qu’on connaît le nombre exact des FDLR qui sont réellement génocidaires ?

Mme L M : ça, je ne pourrais pas vous donner un chiffre, une seule personne génocidaire est une personne qui n’est pas désirable, alors que ce soit une personne, 3 000, 6 000, les autres chiffres avancés, l’aspect génocidaire du FDLR reste donc un problème réel pour le pays, pour la région d’ailleurs, pour le monde entier et pour l’humanité. Et je pense que dire avec précision le nombre de génocidaires est un exercice assez je dirais même subtile parce que quand on a des idées génocidaires, peu importe le nombre, nous on considère que ceux qui adhèrent à ce mouvement restent des individus qui épousent l’idéologie génocidaire, donc pour nous peu importe le chiffre.

R O : Dans le cadre de la Tripartite plus, il a été demandé au gouvernement rwandais de fournir la liste de génocidaires afin de permettre le rapatriement des autres Rwandais et de traduire en justice ceux qui sont réellement accusés de génocide. Mais selon des informations en notre possession, le Rwanda aurait fourni une liste qui reprenait exactement tous les FDLR. Vous ne pensez pas que cela risque de porter atteinte au processus de retour de ces FDLR ?

Mme L M : Ecoutez, moi je pense qu’il faudrait séparer deux choses : les chiffres, les personnes identifiées comme appartenant à ce front et l’idéologie génocidaire. Vous savez qu’une idéologie, c’est difficile à mettre un chiffre au-dessus, donc on a une liste, on a des individus qui sont bien connus, mais cela ne veut pas dire qu’on a une liste de tous les Rwandais qui ont une idéologie génocidaire et qui se cachent dans plusieurs groupes dont les FDLR.

R O : Est-ce qu’aujourd’hui le gouvernement rwandais estime que la communauté internationale a encore des comptes à rendre au peuple rwandais en ce qui concerne justement les événements malheureux de 1994 ?

Mme L M : Mais bien évidemment. Vous savez qu’un génocide est un crime au-delà du temps et des frontières. Donc le fait que la communauté internationale ait en partie participé, en partie encouragé et en partie nécessaire un génocide qui a emporté un million de Rwandais est évidemment un problème qui reste très réel pour beaucoup de Rwandais. D’ailleurs je voudrais vous dire que ce n’est pas seulement le gouvernement rwandais. Si vous parlez aux individus comme dans d’autres pays, ils vont vous dire très clairement leur déception, je dirais même leur méfiance par rapport à la communauté internationale avec tout ce qui s’est passé aux yeux de cette communauté sans aucune réaction.

R O : Au niveau régional, attendez-vous des gestes concrets de la part des pays voisins notamment de la RDC ?

Mme : Bien sûr. Vous savez que le Rwanda maintenant évolue vers une coopération plus renforcée avec tous ses voisins, notamment les voisins de l’Afrique de l’Est. Donc plus particulièrement bien sûr le Rwanda aura besoin de la coopération de la RDC sur cette question.

R O : Madame la ministre je vous remercie.

Mme L M : Je vous remercie également.