Le 16 janvier 2001, Laurent-Désiré Kabila est assassiné dans son bureau

Laurent Désiré Kabila, ancien président de la RDC assassiné en 2001

Le 16 janvier, comme chaque année depuis 2002, les Congolais commémorent la mort de Laurent-Désiré Kabila, assassiné ce jour-là par l’un de ses gardes rapprochés, Rachidi Kasereka. Au-delà des cérémonies d’hommage à l’homme d’Etat, cet anniversaire est aussi l’occasion de revenir sur l’éventuelle réouverture du procès de ses assassins, comme les juges l’ont laissé entendre lors du prononcé du verdict de 135 personnes appelées devant la barre.
 
Le Film de l’assassinat
 
Mardi 16 janvier 2001, vers 13h30, Laurent-Désiré Kabila est abattu dans son bureau de trois balles. L’assassin, l’un de ses gardes du corps, Rachidi Kasereka.

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Il sera lui-même tué quelques minutes plus tard par l’aide de camp du président, le colonel Eddy Kapend. Le principal complice, qui attendait le meurtrier dans une voiture à l’extérieur du palais présidentiel, dans l’ouest de la capitale, réussit à prendre la fuite. Lire: «Qui a tué Laurent-Désiré Kabila ?» S’ensuit alors un gigantesque rafle dans l’entourage du président défunt.

Dans un entretien au correspondant de l'hebdomadaire britannique The Independent à Kinshasa, le conseiller économique de Laurent-Désiré Kabila, Emile Mota, témoin oculaire de l’assassinat confirme qu'un jeune garde du corps du chef de l'Etat a tiré plusieurs balles à bout portant, avant d'être abattu par les forces de sécurité présidentielles. A lire: Un témoin oculaire raconte l'assassinat du président congolais Laurent-Désiré Kabila.

Le témoignage de Léonard Mashako Mamba

Docteur Mashako Mamba, l'un des collaborateurs du feu président L.D. Kabila

 
Léonard Mashako Mamba est le ministre de la Santé au moment de l’assassinat de Laurent-Désiré Kabila. Ce professeur de médecine, un proche du président, se trouvait au palais présidentiel mais pas dans le même lorsque Kabila est abattu. C’est lui qui a tenté de lui sauver la vie, selon ce qu’il nous a raconté.
 
«Le président de la République a été approché par un des gardes qui l’a abattu en plein travail. J’avais eu une séance de travail à laquelle il m’avait associé cette matinée-là. Au moment où nous terminions cette séance, il m’a demandé d’attendre dans l’autre bureau. Et c’est pendant qu’on attendait que nous avons entendu trois coups de feu et une des personnalités qui était dans le bureau est sortie en criant : on vient de tirer sur M’zee. Nous nous sommes précipités pour porter secours», relate Léonard Mashako, avec une pointe de regret.
 
Vous pouvez écouter son témoignage ici :/sites/default/files/2016-01/mashako_temoignage_bon_web.mp3
 
Pour tenter d’expliquer le mobile du crime et les commanditaires du crime, inconnus jusqu’à ce jour, Léonard Mashako propose une piste : les puissances occidentales et les multinationales qui n’auraient pas apprécié les types des contrats que Laurent Désiré Kabila proposait à ceux qui voulaient exploiter les minerais en RDC.
 
«M’zee a remis en cause des conventions sur l’exploitation minière. En disant cette exploitation ne profite pas au peuple congolais, on a considéré que c’était un crime qui mettait en jeu des intérêts des multinationales et de certaines puissances, ils ont préféré le tuer, pour que les richesses de ce pays continuent à profiter aux autres», affirme Mashako Mamba./sites/default/files/2016-01/mashasko_sur_cause_de_lassassinat_de_mzee_web.mp3

L’analyste Jason Stearns du Congo Research Group Center on International Cooperation de New York University avance de son côté trois pistes sur la nature des groupes qui auraient commandité l’assassinat de Laurent-Désiré Kabila. Il évoque des négociants de diamant de nationalité libanaise, le Rwanda qui a protégé à Kigali certains assassins qui sont par la suite rentrés en RDC par l’intermédiaire de la rébellion du Rassemblement Congolais pour la Démocratie ou même des opérateurs économiques angolais opérant dans le secteur du diamant qui auraient eu intérêt à assassiner le président.

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L’attente d’une nouvelle enquête
 

La Cour d’ordre militaire (COM) avait prononcé, le 7 janvier 2003, son verdict dans le procès des présumés assassins de Laurent-Désiré Kabila. Sur les 135 inculpés, 30 condamnations à mort ont été prononcées, une cinquantaine de condamnations à des peines allant de trois ans à la perpétuité, et une quarantaine d’acquittements.
 
Ce jour-là, le président de la Cour, le général Nawele Bakongo avait déclaré que «le procès Kabila n’est pas terminé. Les enquêtes se poursuivent. Il y aura d’autres procès car on cherche d’autres coupables». En effet, la Cour avait lancé des mandats d’arrêt contre de nombreux officiers et sous-officiers en fuite, et Bilal Héritier, un ressortissant libanais qui aurait joué un rôle dans cet assassinat.
 
Le personnage central de ce procès, Eddy Kapend, l’aide de camp du président assassiné avait été reconnu par la Cour d’ordre militaire, coupable d’avoir organisé ce qu’elle a qualifié de «coup d’Etat manqué». Dans une brève allocution à la télévision nationale, il avait ordonné la fermeture de frontières et lancé un appel au calme, sans annoncer que le président venait d’être tiré à bout portant.
 
Dans son réquisitoire le procureur militaire, colonel Charles Alamba, avait accusé Eddy Kapend d’avoir «abattu l’assassin présumé du président, subtilisé l’arme du crime, d’avoir tenté de prendre le pouvoir à travers un message radio-télévisé sitôt après l’attentat». Eddy Kapend purge une peine de prison à perpétuité.
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Les condamnés attendent donc la réouverture du procès depuis 2002.

L’espoir d’une amnistie régulièrement éteint

Jean Claude Katende, président national de l’association africaine de défense des droits de l’homme (Asadho) le 30/11/2015 à Kinshasa. Radio Okapi/Ph. John Bompengo

En 2005, une loi d’amnistie pour faits de guerre, infraction politique et délits d’opinion a été adoptée, mais les condamnés pour l’assassinat de Kabila en ont été exclus. En 2015, quelques condamnés de ce procès  ont finalement bénéficié de cette amnistie.
 
Jean-Claude Katende,  président de l’Association africaine de défense des droits de l’homme (Asadho) milite pour la libération des personnes détenues dans le cadre de ce procès depuis de nombreuses années. Son ONG a même saisi la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples pour tenter d’obtenir la libération des détenus de cette affaire. Pour cette organisation, la vérité n’a toujours pas éclaté au grand jour pour permettre d’établir les responsabilités et condamner les coupables et les commanditaires de cet assassinat.
 
« L’Asadho demande à ce que les personnes qui restent en détention puissent bénéficier de la loi d’amnistie, parce qu’il y a eu beaucoup d’irrégularités dans le procès qui avait conduit à leurs condamnation et que ces personnes soient dédommagées par le gouvernement de la République, parce qu’elles ont été victimes du fait d’être détenus pendant de longues années sans qu’il y ait une véritable culpabilité et ont perdu leurs biens », recommande Jean Claude Katende. /sites/default/files/2016-01/jean_claude_katende_asadho_web.mp3

Ouverture du processus politique
 
L’analyste Jason Stearns décrit Laurent-Désiré comme un président qui croyait à la nation congolaise, un chef charismatique qui a rétabli la dignité congolaise. Il fait cependant remarquer que son assassinat a entrainé certaines ouvertures tant au plan interne qu’externe. Avec la mort de Kabila, les pourparlers pour la paix ont repris leurs droits. A l’époque, une partie du territoire de la RDC est sous le contrôle des rebelles du Rassemblement congolais pour la Démocratie (RCD) soutenu par le Rwanda et du Mouvement de Libération du Congo (MLC) soutenu par l’Ouganda. Les pourparlers de paix, sont au point mort.
 
« Pour Kabila, la vraie solution à la guerre devrait être une solution militaire, malgré les faiblesses de son armée, il ne voulait pas des négociations. Juste après sa mort, on a eu le déploiement de la Mission des Nations unies qui était bloquée par lui. Le gouvernement a accepté d’entamer le dialogue entre congolais, qui a amené aux résolutions de Sun City en 2002 », analyse Jason Stearns.
 
Du point de vue économique, Laurent-Désiré Kabila, avec son passé de guérillero marxiste, n’avait pas des relations faciles avec les bailleurs de fonds, poursuit Jason Stearns.
 
«Juste après la mort de Kabila, la Banque mondiale a débloqué des fonds et a entamé son programme en RDC ; le cadre macroéconomique s’est beaucoup stabilisé après beaucoup d’inflations. Joseph Kabila a libéralisé le taux de change et l’économie congolaise», rappelle-t-il.

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Laurent-Désiré Kabila est un héros dont la vision était centrée sur l’auto-prise en charge et l’indépendance politique et économique. Mais sa mort a permis à la RDC de revenir sur la scène internationale, résume Jason Stearns.

 

 

 

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