Florent Ibenge : l’infatigable sélectionneur à plusieurs casquettes

Florent Ibenge, sélectionneur adjoint des Léopards de la RDC avant la défaite contre les Eléphants de la Côte d’Ivoire le 11/10/2014 au stade Tata Raphaël à Kinshasa, score: 1-2. Radio Okapi/Ph. John Bompengo

Trois ans auront suffi à Florent Ibenge pour passer de l’anonymat à la gloire. Arrivé en 2012 en République démocratique du Congo en provenance de France à la recherche d’un emploi, le sélectionneur de l’équipe nationale de la RDC et de V.club n’aura pas mis longtemps pour s’imposer sur la scène du football congolais et africain. Il ne compte pas encore beaucoup de titres, mais sa réputation le précède et le sérieux qu’il met dans son travail présage des jours meilleurs.  

Rares sont les entraineurs de football congolais qui ont eu droit à des chants d’honneur et de gloire. Dans les rues de Kinshasa, mégalopole de 10 millions d’habitants, comme dans l’arrière-pays, c’est au cri de « Ibenge coacher, coacher, Ibenge… » que les supporters célèbrent les victoires de l’équipe nationale de football, sport-roi auquel on voue un vrai culte au pays.

«Au début c’était drôle mais maintenant j’ai compris qu’au-delà de mon nom, les gens chantent la fierté d’être Congolais. A travers ma personne, ils reconnaissent en fait que les Congolais sont capables d’accomplir de grandes choses», déclare l’entraineur.

Lorsqu’il rentre à Kinshasa en 2012, après une jeunesse passée en France, Florent Ibenge est  méconnu du public kinois. Il revient alors pour faire construire la pierre tombale de sa grande sœur, décédée en 2011. Il repartira par la suite à l’autre bout du monde, en Chine, pour entrainer aux côtés de Nicolas Anelka le club de Shangaï Shenhua. L’aventure chinoise ne va pas faire long feu. En septembre 2012, Flo comme l’appelle ses intimes décide de rentrer à Kinshasa pour «pour se remettre sur le marché de l’emploi».

Toutes ses offres de service à V.club, DCMP, Mazembe ou Lupopo, les plus grands clubs de foot du pays, restent alors sans suite. Malgré ce désintérêt apparent, Ibenge rentre quand même au pays. 

«Depuis l’Europe, j’ai toujours songé retourner dans mon pays. Je suis parti à l’étranger pour apprendre et rentrer aider mon pays. Cela a toujours été mon ambition », déclarera-t-il plus tard.

V.club : début d’aventure

C’est sur place à Kinshasa que V.club contacte Florent Ibenge et lui propose, en décembre 2012, un contrat. C’est peu que de dire que le siège d’entraineur du meilleur club de la capitale est éjectable. Entre 2007 et 2012, l’As V.club a viré 12 entraineurs. Le dernier avant le recrutement de Florent Ibenge, Médard Lusadisu, est officiellement licencié pour « manque de rigueur ».

Florent Ibenge reçoit pour mandat de conduire V.club en finale de la Ligue des champions africaine en 2013. Il échoue. V.club est éliminé en 16e de finale par le club égyptien de Zamalek. Mais Ibenge ne passe pas à la trappe. Ce qui est un exploit lorsqu’on sait qu’à l’époque, l’espérance de vie d’un entraineur à la tête du club est de six mois.

Quelques dates

1961 : Naissance à Mbandaka

2012 : Entraineur-adjoint à Shanghai Shenhua

2012 : Entraineur As V.Club

2014 : Finaliste de la Ligue des Champions contre ES Setif

2015 : Médaillé de bronze à la CAN avec les Léopards A

2016 : Vainqueur du Chan

«Nous avions mis en place un projet et il fallait y travailler. Dans le foot en général, on signe un contrat de 3 ans. La première année, on trouve quelque chose et on fait avec. La deuxième, vous apportez votre touche et la troisième, vous cherchez à gagner», explique Florent Ibenge.

Les dirigeants du club comprennent bien cette philosophie et lui renouvellent leur confiance. La suite est connue : une finale de la Ligue des Champions en 2014. V.Club élimine au passage les habitués de cette compétition (Kaiser Chiefs, Zamalek et Sfaxien) mais tombe en finale face à l’Entente Sétif d’Algérie (2-2 à Kinshasa et 1-1 au retour). Ibenge amène V.Club en finale après…33 ans. Et met tout le monde d’accord.

A la tête des Léopards

Les performances de Florent Ibenge vont convaincre le ministre de Sport de lui confier la sélection nationale. Il remplace en 2014 le Français Claude Le Roy viré pour insuffisance de résultats.

Ibenge rejoint alors un groupe de jeunes qu’il a contribué à convaincre de venir jouer en équipe nationale pour la RDC. La plupart d’entre eux nés en Europe, hésitaient entre les sélections nationales de leurs terres d’adoption et l’équipe du pays dont leurs parents sont originaires.

C’est avec ces jeunes évoluant en Europe et ceux évoluant au pays qu’il remporte la troisième place à la CAN 2015 en Guinée Equatoriale face au pays hôte. Un an plus tard, Florent Ibenge amène l’équipe des Léopards évoluant sur le continent à la finale du Chan (le Championnat d’Afrique des Nations) et remporte la 4e édition de cette compétition.

 

Lorsqu’on tente de lui accorder la place centrale dans ces belles performances, Florent Ibenge dirige plutôt l’attention vers ses joueurs.

«Nous avons énormément du talent ici. Ce qui nous manque, c’est la formation qui influe sur le plan technico-tactique. Le manque de formation fait qu’on ne peut pas pérenniser les résultats», analyse-t-il.

Les résultats, il en veut toujours un peu plus. Et il ne s’en cache pas. Les prochains, il tentera de les glaner où ? En coupe du monde 2018 en Russie ?

«Pourquoi pas. On travaille pour ça et on doit travailler pour ça. On est allé à la coupe du monde en 1974, je trouve que c’est une hérésie. J’utilise ce mot à dessein parce qu’on est un pays pieux. On prie tout le temps et ne pas aller en coupe du monde depuis 1974 est une hérésie », répond le médaillé d’or du Chan 2016. La RDC ne compte qu’une seule participation en coupe du monde.

«Même si on n’y arrive pas pour la coupe du monde 2018, au moins celle de 2022 on ne peut pas la rater. Mais je n’ai pas non plus envie de rater celle de 2018», tempère le technicien qui pour l’heure a l’ambition de ramener l’As V.Club au sommet du foot africain.

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