La RDC peut combler le déficit de ses infrastructures routières

Depuis plusieurs décennies, les infrastructures routières connaissent un déficit criant en RDC, déficit qui constitue un frein pour le développement socio-économique du pays. En 2019, la RDC a seulement 17 % de son réseau en bon état et 3.000 km de routes bitumées (5% du réseau d’intérêt général de 58.000 km).

Pourtant, au cours des dernières années, plusieurs programmes d’investissements sur les infrastructures routières à des horizons de 10-20 ans ont été élaborés. Ces programmes peinent cependant à être réalisés. Les contraintes majeures dans la réalisation des programmes d’investissement sur les infrastructures routières sont la mobilisation insuffisante des ressources et le faible engagement des principaux acteurs. Il est possible de développer substantiellement les routes en RDC, comme l’ont fait beaucoup de pays à travers le monde, au cours des trois dernières décennies, et dans des situations similaires.

Il est impérieux de mettre en place un programme cohérent et réaliste d’investissements sur les routes et les voiries sur un horizon de 10 ans, e le dotant des moyens nécessaires à sa réalisation.

Ce programme routier décennal pourrait avoir les objectifs suivants :

Bitumer 7 000 km de routes pour atteindre un total de 10.000 km de routes bitumées
Revêtir 800 km de voiries (dont 200 km de voies secondaires en pavés) dans les principales villes du pays
Construire 100 km de voies express à Kinshasa et Lubumbashi

La réalisation d’un tel programme permettrait à la RDC d’avoir 10.000 km de routes bitumées auxquelles s’ajoutent environ 10.000 km de routes en terre pour constituer un réseau prioritaire de 20.000 km drainant plus de 70% du trafic routier. Ce programme sur les routes nationales doit bien sûr être accompagné d’investissements conséquents sur les routes de desserte agricole.

Bitumer en moyenne 800 km de routes et de voiries par an reste un objectif ambitieux, compte tenu des cadences atteintes jusque-là, qui n’ont guère dépassé 200 km. Sa réalisation nécessite une mobilisation de tous les acteurs impliqués dans le secteur.

Le coût du programme est évalué à USD 5,64 milliards.

Quel pourrait être le scénario réaliste de mobilisation de 5,64 milliards USD sur 10 ans, soit environ 600 millions USD par an ?

Le scénario ci-dessus peut être envisagé, portant sur diverses sources de financement :

SOURCES DE FINANCEMENT

MONTANT ($US)

1.Bailleurs des fonds : 2 000 000 000 (35,5%)

2. Concessions routières : 1 300 000 000 (23,0%)

3. Programme sino-congolais :1 000 000 000 ( 17,7%)

4. Trésor public : 800 000 000 (14,2%)

5. Autres sources (taxe à l’essieu, redevance sur l’importation des véhicules, secteur minier, etc.) : 540 000 000 (9,6%)

 

TOTAL : 5 640 000 000 (100,0%)

Financement du Trésor public

La participation du Budget national au programme routier pourrait se faire à travers une allocation annuelle de USD 80 millions, soit une projection de USD 800 millions sur les 10 prochaines années. Ceci suppose un engagement ferme du Gouvernement, en considérant le faible niveau des investissements directs de l’Etat dans les investissements routiers au cours des dernières décennies.

Avec un tel engagement, des projets pourraient être réalisés par les entreprises privées par préfinancement, moyennant un remboursement garanti par l’Etat et étalé sur une période plus ou moins longue. Ceci permettra d’assurer un financement sûr et continu des projets. La sélection des partenaires privés pourrait se faire sur une base compétitive pour garantir les meilleures conditions pour l’Etat. Plusieurs formules peuvent être utilisées pour le remboursement du préfinancement des privés par l’Etat.

Financement par les Bailleurs des fonds

Les Bailleurs des fonds ont constitué depuis de longues années une source de financement stable pour les routes en RDC. Les principaux bailleurs intervenant dans le secteur sont la BM, la BAD, l’UE, DFID, JICA, KFW, BADEA, OFID. Depuis la reprise de la coopération en 2003 après la période des conflits, les financements des bailleurs internationaux ont atteint jusqu’en 2020 USD 2,2 milliards, soit une moyenne de USD 120 millions par an. Ces apports ont constitué la principale source d’investissements dans le secteur routier. Il est possible que le Gouvernement obtienne de ces partenaires d’augmenter leur contribution de façon substantielle. Il pourrait être possible de miser sur un apport des bailleurs d’au moins USD 2 milliards pour soutenir un programme routier pour les 10 années à venir.

Programme Sino-congolais

Le financement des infrastructures dans le cadre du programme sino-congolais est en place depuis 2008. Il est basé sur la réalisation des infrastructures en contrepartie de la concession minière mise en place dans le cadre de la joint-venture créée entre la RDC et le groupement des entreprises chinoises et la banque Eximbank (Sicomines). Ce programme a permis de financer beaucoup de routes et de voiries à travers le pays.

Prévu pour un montant total de USD 3 milliards, à ce jour, un financement d’environ USD 1 milliard a été décaissé et un solde de USD 2 milliards serait disponible.

De ce solde, un financement de USD 1 milliard pourrait être affecté aux investissements sur les routes et les voiries pour les 10 années à venir.

Concessions routières

Une partie du financement des routes et des voiries dans les 10 ans à venir pourrait provenir des concessions routières. Actuellement, des contrats de concession ont été mis en place sur les tronçons routiers Boma-Matadi-Kinshasa (471 km) et Kasumbalesa-Lubumbashi-Likasi-Kolwezi (398 km).

Les contrats mis en place sur ces routes sont du type BOT (Build, Operate, Transfer). Leur montage financier est basé sur les recettes de péage routier. Il est possible de mettre en place ce type de contrats sur d’autres routes nationales ou des voiries sur base des études financières concluantes. Il faut en effet un trafic minimum pouvant garantir le retour sur investissement dans une période acceptable.

Des études techniques et financières préalables doivent être menées pour identifier d’autres routes nationales et des voiries pouvant faire l’objet des contrats de type BOT.

Pour garantir de meilleures conditions à l’Etat, les contrats de concession devraient être octroyées suivant des procédures compétitives conformément à la Loi sur les Partenariats Publics Privés (PPP) en place depuis 2018.

La construction des voies rapides à péage pourrait également être réalisée dans certaines villes du pays. A Kinshasa, la voie rapide devant relier le centre-ville à l’aéroport de Ndjili a déjà été identifiée. Plusieurs études d’avant-projet sont disponibles.

Il peut également être envisagé d’utiliser les recettes supplémentaires des routes à péage pour financer d’autres routes. C’est le mécanisme de l’adossement aux concessions routières qui est utilisé avec succès en France par exemple. Un contrat de concession dont la durée est échue peut être prolongé, et les recettes générées serviront au financement d’autres routes.

Il pourrait être planifié au cours des dix prochaines années de financer au moins 1.500 km de routes et 100 km de voiries en BOT. L’adossement aux concessions existantes pourrait également être une source de financement de routes.

Dans ces conditions, le financement pouvant être mobilisé à travers des contrats BOT pourrait s’élever à environ USD 1,3 milliard.

Autres sources de financement

En vue de soutenir un programme router de 10 ans, de nouvelles sources de financements doivent être mises en place pour compéter les sources traditionnelles utilisées jusque-là.

Les sources de financement additionnel ci-dessous peuvent être mobilisées :

Redevance spéciale sur l’importation des véhicules :

Pour les besoins de financement du programme routier, il peut être mis en place une redevance spéciale à appliquer à l’importation des véhicules. Elle sera perçue à l’importation du véhicule au niveau de la douane. Cette redevance pourrait être élargie aux véhicules en provenance de l’étranger à l’entrée en RDC. Une des sources de financement des routes en Chine au cours des trois dernières décennies a été une taxe spéciale appliquée à l’achat des véhicules.

Taxe à l’essieu :

Une taxe à l’essieu appliquée aux véhicules lourds peut également constituer une source de financement des routes. Une telle taxe est en application en France, la Taxe Spéciale sur certains Véhicules Routiers (TSVR). C’est une taxe annuelle appliquée aux véhicules affectés au transport routier de marchandises de 12 tonnes et plus de poids total autorisé en charge (PTAC). La TSVR annuelle en France n’est appliquée que sur les véhicules immatriculés en France, sur base d’une déclaration annuelle. Elle n’est donc pas appliquée aux véhicules immatriculés à l’étranger. En RDC, il serait légitime de taxer les véhicules poids lourds pour financer les investissements routiers. Ces véhicules, non seulement tirent beaucoup de revenus de l’usage des routes, mais constituent également la principale source de dégradation des routes. Cette taxe pourrait du reste être appliquée aussi bien pour les véhicules immatriculés en RDC que ceux en provenance de l’étranger. Pour les véhicules nationaux, la taxe pourrait être perçue sur base d’une déclaration en début de chaque année, tandis que pour les véhicules étrangers elle doit être perçue aux postes d’entrée sur le territoire.

Financement à travers le secteur minier :

Le programme de modernisation des routes et des voiries en RDC pourrait être soutenu par des recettes spéciales temporaires provenant des secteurs productifs, tel que le secteur minier. Ces recettes pourraient être collectées en dérogation temporaire aux lois existantes. L’article 220 du nouveau code minier prévoit en effet que « le Premier ministre peut, par décret délibéré en Conseil des ministres, accorder un certain nombre des mesures incitatives à l’endroit de provinces souffrant de déficit d’infrastructures pour booster leur essor économique à partir des ressources minières ».

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