Nord-Kivu : les communautés locales rejettent les projets d’exploitation pétrolière dans le lac Albert

Le Cadre de Concertation sur les Ressources Naturelles (CdC/RN) a publié les résultats d’une enquête menée dans les blocs pétroliers 1, 2 et 3 du Graben Albertine, en RDC le 14 novembre 2025. Réalisée auprès de 1 141 personnes et enrichie par de focus groupes ainsi que d’une analyse anthropologique, l’étude met en lumière une opposition majoritaire aux projets d’exploitation des hydrocarbures dans cette zone écologiquement sensible.

Selon les conclusions de ce document, 70 % des riverains s’opposent fermement aux projets pétroliers. Les inquiétudes sont dominées par les risques environnementaux et sanitaires. Parmi les préoccupations recensées, 75 % des personnes interrogées redoutent la disparition des écosystèmes aquatiques du lac Albert, 65 % craignent une pollution généralisée, tandis que 40 % s’inquiètent d’éventuelles délocalisations entraînant la perte de leurs moyens de subsistance, notamment la pêche, l’agriculture ou l’élevage.

L’étude souligne également un déficit profond de confiance envers les institutions et les entreprises impliquées. Les communautés accusent les acteurs du secteur de mener des consultations insuffisantes, opaques et excluantes. « Le processus de consultation est non inclusif ; les entreprises échangent des informations au niveau national et provincial, mais la communauté n’est pas associée », souligne le rapport, citant les témoignages recueillis sur le terrain.

Cette défiance contraste avec la position d’une minorité de 30 % de la population, favorable aux projets pétroliers. Celle-ci mise principalement sur les promesses de création d’emplois locaux (45 %) et d’investissements dans les infrastructures (35 %). Ce clivage met en évidence un dilemme persistant à savoir : l’espoir d’un développement économique rapide face à la crainte de conséquences socio-environnementales potentiellement irréversibles.

Au-delà des impacts écologiques, l’étude alerte sur les risques sanitaires, citant la possibilité d’une augmentation de cancers ou de malformations congénitales, en s’appuyant sur les expériences observées du côté ougandais, avec lequel la RDC partage le lac Albert et la rivière Semuliki. Elle insiste également sur la menace qui pèse sur la dimension sacrée de la terre, du lac et des rivières, dimensions essentielles dans les pratiques culturelles locales mais souvent ignorées dans les évaluations économiques.

Le CdC/RN estime que tout projet dans le Graben Albertine doit impérativement passer par une consultation libre, préalable et éclairée des communautés. 

« La réussite de tout projet d’exploitation dépend de l’intégration pleine et entière des points de vue des communautés locales », affirme Dieudonné Kasonia, secrétaire permanent du CdC/RN.

En parallèle, l’étude indique que la transition énergétique vers des sources renouvelables est perçue par les populations comme une alternative viable au pétrole, notamment dans le contexte de l’exploitation des minerais stratégiques de la RDC. 

Toutefois, ce potentiel reste limité par des contraintes économiques, politiques et techniques, nécessitant des investissements soutenus et des partenariats renforcés.