Thomas Perriello: «Je ne pense pas que les pays des Grands Lacs vont suivre l’exemple du Burundi»

Des députés lors de la plénière à l’Assemblée nationale congolaise le 15/06/2015 à Kinshasa. Radio Okapi/Ph. John Bompengo

« Je ne pense pas que les pays de la région des Grands Lacs vont prendre l’exemple du Burundi comme un  modèle à suivre ». C’est ce qu’a déclaré Thomas Perriello, Envoyé spécial des Etats-Unis pour la région des Grands Lacs, dans un entretien qu’il a accordé à Radio Okapi. Allusion faite à la crise consécutive à la réélection controversée de Pierre Nkurunziza à la tête du Burundi.

Au sujet de la RDC, Thomas Perriello affirme que la constitution doit être maintenue et respectée.

La constitution congolaise limite à deux le nombre de mandats du chef de l’Etat. Actuellement à la tête du pays, Joseph Kabila arrive à la fin de son deuxième et dernier mandat en décembre 2016.

Thomas Perriello est l’invité de Radio Okapi. Il est interrogé par Jean Kasami.

Qu’est-ce qui explique votre séjour ici à Bukavu ?

C’est une occasion pour moi de retrouver les partenaires à tous les niveaux. Que ce soit au niveau du gouvernement, que ce soit au niveau de la société civile ou des simples citoyens pour m’entretenir, pour savoir leur point de vue sur les grandes questions de l’heure par rapport à la sécurité, par rapport à la démocratisation et par rapport au développement économique. Et de leur demander de pouvoir le rendre compte de leurs points de vue. 

Après vos entretiens avec les responsables de la Ceni à Kinshasa, vous avez promis un soutien des Etats-Unis au processus électoral. Quel type de soutien les Etats-Unis comptent-ils apporter ?

Nous avons travaillé à tous les niveaux avec la société civile. Nous avons aussi beaucoup contribué à la sécurité notamment à travers la Monusco. Et nous allons travailler à l’avenir avec la Ceni et les autres partenaires afin d’assurer le d-bon déroulement des élections.

La Ceni fait face au manque d’argent pour préparer et organiser les élections. Combien êtes-vous prêts à donner à la Ceni ?

Nous avons été en contact  avec les partenaires à tous les niveaux et nous allons fournir un soutien. Mais ce qui importe à l’heure actuelle est que les partenaires clé de la société, les acteurs politiques s’entendent entre eux et qu’il y ait un accord global sur la démarche à suivre pour aller de l’avant. Nous sommes prêts à soutenir cette démarche afin que les élections libres et transparentes puissent avoir lieu.

Au regard du blocage du processus électoral en RDC et de la récente démission du président de la Ceni, l’abbé Malumalu, est-ce que l’appréciation des Etats-Unis n’a pas évolué sur l’échéance de 2016 pour la présidentielle ?

D’abord permettez-moi d’exprimer nos vœux et nos prières qui sont avec M. Malumalu dont nous apprécions énormément les longues années de service qu’il a rendu à ce pays et nous lui souhaitons une excellente guérison.

Les échéances sont fixées par la constitution. Elles doivent obligatoirement être respectées. S’il y a une seule chose que nous avons rencontré des auprès de toutes les couches de la société au Congo c’est justement le point de vue que la constitution doit être respectée et que donc les échéances électorales doivent être maintenues.

La RDC traverse une période de turbulence politique qui inquiète certains observateurs. Est-ce que le même constat est celui de Washington ?

Le gouvernement des Etats-Unis est très réaliste vis-à-vis des défis auxquels font face les acteurs politiques et autres dans ce pays. Mais nous sommes toujours persuadés que la constitution doit être maintenue et respectée. Le président Obama lui-même a dit que c’est un moment historique pour l’avenir du pays et qu’il y a une occasion unique pour un mouvement vers la véritable démocratisation et que c’est ainsi que la constitution doit être respectée.

Nous estimons que la démocratie est implantée très fortement dans ce pays. En témoigne le fait qu’il y une président qui est très fort, une opposition qui est très forte, une société civile qui est très forte, des médias qui sont très forts. Et donc en fait nous sommes très optimistes vis-à-vis des perspectives de démocratisation dans votre pays.

Le processus électoral est mis en mal dans la région des Grands et en Afrique centrale dans l’ensemble. Pour preuve, les dernière élections au Burundi, le référendum constitutionnel au Congo Brazzaville, la modification de la constitution au Rwanda, permettant aux chefs d’Etat en place de postuler de façon illimitée à la présidence de la République. Est-ce que les Etats-Unis ne prêchent pas dans le désert ?

Nous estimons malheureusement que la situation politique au Burundi à l’heure actuelle témoigne justement de la faiblesse de l’approche qui vise à ne pas respecter les constitutions. Et donc, cela représente non pas une feuille de route pour l’avenir des pays de la région mais plutôt comme un sujet à caution, une raison de se méfier de cette démarche. Le Burundi a eu l’occasion de consolider 15 années de démocratisation dans leur pays. Mais quand on voit ce qui se passe à l’heure actuelle, c’est la violence qui menace, c’est la faillite de l’Etat. Je ne pense pas que les autres pays de la région vont regarder cet exemple et voir en cela un exemple positif à suivre.

Nous avons été très conséquents vis-à-vis des pays de la région. Notre politique a été la même pour tous. C’est-à-dire que les échéances doivent être respectées, les limites de mandat doivent être respectées. Et que cela s’applique à tous les pays de la région. Et nous pensons que c’est un très bon conseil.             

Les peuples du Congo ont démontré à de nombreuses reprises leur capacité de surmonter les défis et je suis persuadé que nous allons traverser la période actuelle et nous allons nous retrouver dans une situation où la population du Congo sera fière d’elle-même, aura traversé une période florissante de son progrès vers la démocratisation.

Vous pouvez écouter l'entretien que Thomas Perriello a accordé à Radio Okapi.

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