Augustin Kikukama : «La personne qui a remplacé Mobutu a pu être à la taille de la tâche»

La RDC commémore, lundi 16 janvier, les 16 ans de la disparition de feu président Laurent-Désiré Kabila, assassiné dans sa résidence officielle, à Kinshasa le 16 janvier 2001. Interrogé dimanche 15 janvier, le président du Mouvement du 17 mai (M17), Augustin Kikuma, estime que la mort de celui qu’il appelait affectueusement «Mzee» reste une perte et une douleur inconsolables. Il regrette également que ceux qui gèrent le pays actuellement ne s’inspirent pas du modèle de Laurent-Désiré Kabila.
 
Radio Okapi : Seize ans depuis que Laurent-Désiré Kabila a été assassiné dans sa résidence. Est-ce que les larmes coulent toujours au M17 ou ont-ils déjà séché ?
 

Augustin Kikukama : Ce n’est pas seulement le M17 qui ne regroupe pas l’ensemble de la population qui continue de pleurer Mzee. Lorsqu’il y a eu l’AFDL [Alliance des forces démocratiques pour la libération], les gens ont vite oublié la gestion de Mobutu parce que la personne qui a remplacé Mobutu a pu être à la taille de la tâche. Aujourd’hui, il y a résurgence des antivaleurs: la corruption, le détournement, l’impunité. Allez demander aux policiers et aux services spécialisés qui ont travaillé sous Mzee. Ils vont diront s’ils continuent à pleurer Mzee ou à regretter sa disparition. Mzee a fait trois ans, je suppose que les Congolais et d’autres pays africains continuent à regretter sa disparition. Ce n’est pas le nombre d’années de l’exercice du pouvoir qui compte. Ce sont les actions, l’espérance suscitée dans la population et dans l’opinion qui comptent. Est-ce que cette espérance-là que Mzee a suscitée est déjà disparue ?
 
Parmi les acquis de Laurent-Désiré Kabila, on retient la recommandation faite aux Congolais de se prendre en charge et de ne jamais trahir le Congo. A ce jour, ce conseil est-il suivi ?
 
Je crois que par se prendre en charge, Mzee voulait que les Congolais puissent être les maitres de leurs richesses. Les Congolais devaient créer eux-mêmes les richesses et les emplois. Aujourd’hui, avec la gouvernance actuelle, on a cru bon recourir aux institutions de Brettons Woods pour penser que nous pouvons sortir le pays du marasme économique et consorts. Je venais de vous dire la résurgence des antivaleurs combattues par Mzee qui reviennent en force : l’impunité au sommet de l’Etat. Je suis convaincu que tôt ou tard les gens comprendront pourquoi Mzee disait qu’il fallait se prendre en charge. Se prendre en charge n’est pas un slogan mais tout un programme. A partir du moment que la population pourrait entériner cette culture de se prendre en charge et de comprendre que ne peut bien vous servir que vous-mêmes, en ce moment-là, nous ferons un grand pas.
 
Si Laurent-Désiré Kabila était vivant, pensez-vous qu’il aurait fait quoi de bon ?
 
Je crois qu’il avait la volonté et la détermination d’amener ce pays sur la voie de développement le plus sûr et solide. Vous savez que le développement que prônait Mzee n’était pas celui de paille où on vous parle de croissance alors que cette croissance n’est pas ressentie par la population. Quoi de mieux que d’avoir notre propre économie en ce sens que les bâtisseurs qui suivaient les formations dans les centres de formation du service national allaient déjà être là et opérationnels parce qu’il y avait de fonds qui étaient déterminés pour leur donner des lignes de crédits. Et ça pouvait commencer à constituer des pools de développement et de la production qui font défaut à l’économie congolaise. Je crois qu’il y avait tout un programme pour amener le Congo sur l’orbite et prouver sa grandeur au niveau de l’Afrique et au monde entier.
 
Les Kabilistes sont divisés en commençant par vous-mêmes le M17. Il y a un camp qui soutient son fils Joseph Kabila et un autre qui le déteste. Vous ne pensez pas que vous assassinez davantage Laurent-Désiré Kabila dans sa tombe ?
 
Je vais vous dire qu’il n’y a jamais eu deux M17 parce que le M17 que je dirige a des documents juridiques et ces documents sont sabotés par l’administration publique. A partir du moment où un Etat ne reconnait pas ses propres décisions du reste entérinées par l’Union africaine, on va vers un Etat voyou. Et nous, on ne déteste pas le président de la République. Nous avons toujours dit, nous reprochons sa gestion du pays. Et ça, c’est un constat. On a eu des moments à parler en tête-à-tête avec lui. Il le sait très bien l’orientation que j’ai donnée au parti. Nous lui reprochons des méthodes de recrutement des gens. De 16 ans d’exercice du pouvoir, il n’a jamais créé sa cours politique. Il a fait une sorte d’assemblage de Mobutistes, des gens qui sont venus des rebellions ainsi de suite. On ne dit pas qu’il a fait un mauvais choix ou quoi parce qu’il est libre. C’est lui qui apprécie la personne qui peut être à ses côtés. On respecte ça mais on ne peut pas nous dénier, comme tout Congolais, le droit à critiquer ceux qui ont la gestion de la chose publique. On ne déteste pas la personne Joseph Kabila mais les méthodes de la gestion.
 
Propos recueillis par Innocent Olenga

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