Abdou Diouf : «Le français est une langue d’ouverture à l’universel »

Entretien avec Abdou Diouf, secrétaire général de l’Organisation internationale de la francophonie.

Le français est promis à un bel avenir en Afrique où il se combine avec les diverses langues nationales, selon l’ancien président du Sénégal, qui aimerait que la France soit plus militante dans la promotion de sa langue.

La Croix :  Le sommet de la francophonie se tiendra du 12 au 14 octobre à Kinshasa, capitale de la République démocratique du Congo (RDC). Quel est l’avenir de la langue française dans un monde qui semble dominé par l’anglais?
Abdou Diouf  :  Nous considérons qu’en 2050 la langue française aura environ 715 millions de locuteurs dans le monde (1), dont 85 % en Afrique, continent promis à une forte croissance démographique – nous comptons comme locuteur celui qui parle, lit et écrit le français. Et en Afrique, la colonne vertébrale de la francophonie sera la RDC, qui sera alors beaucoup plus peuplée que la France.

L’Afrique représente donc l’avenir du français?
A. D. :  Dans les pays africains anciennement colonies françaises, il y a plusieurs langues nationales. Or il en faut une pour communiquer, pour administrer le pays et faire fonctionner les institutions. Cette langue partagée par tous, il a été décidé que c’était le français pour ne pas privilégier une des langues nationales.

De toute façon, l’honnête homme du XXIe  siècle devra posséder sa langue maternelle et au moins deux grandes langues de communication internationale – l’anglais, l’espagnol, le portugais, l’arabe, peut-être demain le chinois, l’hindi, le russe…

Mais la qualité du français ne recule-t-elle pas? A-t-on vraiment les moyens de l’enseigner?
A. D. :  C’est un problème général. En France, une part non négligeable d’élèves qui entrent en 6e  ne maîtrise pas le français à l’écrit. De mon temps, il était impensable d’obtenir son certificat d’études sans maîtriser l’orthographe.

En Afrique, l’apprentissage du français est en concurrence avec les langues nationales. L’enfant parle bambara ou wolof à la maison, et français à l’école. Il faut faire de cette réalité une richesse. Les langues nationales doivent être préservées, renforcées, car ce sont les langues de culture. Et le français doit être promu car c’est la langue de l’ouverture à l’universel, dans laquelle nous conceptualisons beaucoup de notions scientifiques, juridiques…

Je suis favorable à l’enseignement des langues nationales à l’école. Nous avons des études qui montrent que l’enfant d’abord scolarisé dans sa langue nationale est meilleur à la fin du primaire que son camarade scolarisé uniquement en français. Cela dit, nous avons mis en place un projet appelé «Initiative pour la formation en français des maîtres du primaire». Nous avons lancé ce programme au Burundi, au Bénin, à Haïti… Le succès est considérable. Avec l’Agence française de développement, nous allons étendre l’expérience.

La République démocratique du Congo est dirigée par le président Joseph Kabila, réélu l’an dernier à l’issue d’élections contestées localement et par la communauté internationale. Fallait-il y maintenir le sommet? Lire la suite sur lacroix.com