Affaire Bukanga-Lonzo: Matata Ponyo condamné à 10 ans des travaux forcés

La Cour constitutionnelle a condamné mardi 20 mai Augustin Matata Ponyo, à 10 ans des travaux forcés, à son inéligibilité pour 5 ans. La Haute Cour, qui siège en premier et dernier ressort, a aussi ordonné son arrestation immédiate et la saisie de ses biens meubles et immeubles au prorata des fonds détournés.

L’ancien Premier ministre (2012 à 2016) et député national a été reconnu coupable de détournements de 156.849.413 dollars américains avec l'ancien gouverneur de la Banque centrale du Congo, des fonds destinés au développement du parc agro-industriel de Bukanga-Lonzo, dans l’est de Kinshasa, et de 89 millions de dollars américains avec le prévenu sud-africain Globler.

Quant à ses coprévenus Deogratias Mutombo et Christo Grobler, ils sont respectivement condamnés à 5 ans des travaux forcés, d’inéligibilité après avoir purgé la peine (pour le premier) et à l’expulsion définitive du territoire national (pour le second). 

Tous les prévenus n’étaient pas présents physiquement à l’audience de ce mardi.

Une « entreprise criminelle »

Sur les faits, la Cour parle de plusieurs surfacturations non justifiées émises par Christo Grobler sous la supervision et l’indifférence de l’ancien Premier ministre.

D’après la Cour, AFRICOM bénéficiait des exonérations. Alors rien ne pouvait justifier les surfacturations dues aux frais de carburant, à en croire le sudafricain.

Rien ne pouvait ainsi justifier le détournement de 89 millions de dollars à charge d’Augustin Matata, Deogratias Mutombo qui facilitait le décaissement des fonds détournés, participant ensemble au modus operandi de l’entreprise criminelle avec des passation des marchés imaginaires.

Rien ne peut non plus justifier le détournement de 156 millions des dollars du trésor public.

Selon la Cour, tous les prévenus s’étant enrichis illicitement en acquérant des biens meubles et immeubles. Elle ordonne leur confiscation au prorata de l’argent détourné.

Sur fonds de tensions

Le prononcé du verdict, initialement prévu le 14 mai, avait été reporté au 20 mai ; en raison du nombre important de pièces et de questions de droit à examiner.

Entre-temps, cette affaire a suscité des tensions à l’Assemblée nationale, notamment autour de la question des immunités parlementaires de Matata Ponyo. Vital Kamerhe, président de l’Assemblée nationale, a dénoncé une violation de la Constitution, estimant que le député Matata Ponyo ne pouvait être jugé sans la levée préalable de ses immunités.

Cette position a été contestée par le président de la Cour constitutionnelle, Dieudonné Kamuleta. Ce dernier a rappelé que la procédure avait dépassé la phase pré-juridictionnelle où l’autorisation de poursuites est requise. Il avait par ailleurs appelé au respect de la séparation des pouvoirs.

La légalité de la procédure

Ce mardi encore, la Cour constitutionnelle a expliqué la légalité de cette procédure. Les motivations de son arrêt sur le droit se rapportent à la Constitution et Code pénal livre 1 et 2, qui punissent les infractions commises par l’ex-Premier ministre Matata.

Evoquant la procédure décriée, la Cour fait savoir qu’on ne saurait dire que les poursuites engagées sont illégales. Selon elle, l’immunité parlementaire a un caractère fonctionnel et ne protège pas la personne mais le mandat. Et cette immunité ne pourrait être évoquée de manière absolue.

Conformément à la Constitution, poursuit la Cour, les immunités parlementaires concernent l’expression des opinions dans l’exercice du mandat. Or, les faits reprochés à Matata sont antérieurs à son mandat actuel de député.

« La procédure est légale et régulière en ce sens que le ministère public avait déjà sollicité et obtenu la levée des immunités de Matata et l’autorisation de ses poursuites au Sénat le 5 juillet 2021 (NDLR : pendant l’ancienne législature, le condamné était sénateur). Puis le 20 juin 2023, le bureau du Sénat va signifier à la Cour que Matata était toujours à sa disposition », arguent les juges.

S’en est donc fini ce long procès, qui aura duré près de quatre ans, en plusieurs séquences.

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